Revista europea de historia de las ideas políticas y de las instituciones públicas
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Director: Manuel J. Peláez
Editor: Juan Carlos Martínez Coll
SUR LE RÉPUBLICANISME D’ADHÉMAR ESMEIN
Guillaume SACRISTE*
Para citar este artículo puede utilizarse el siguiente formato:
Guillaume Sacriste (2013): “Sur le républicanisme d’Adhémar Esmein”, en Revista europea de historia de las ideas políticas y de las instituciones públicas, n.º 6 (noviembre 2013), pp. 123-140.
RÉSUMÉ: Cet article entend revenir sur le r�publicanisme d'A. Esmein. A la suite de J.-F. Spitz qui distingue, sous la Troisi�me R�publique, la th�orie r�publicaine de la th�orie lib�rale classique, il vise � d�montrer que la th�orie r�publicaine d'Esmein se distingue clairement de la th�orie lib�rale classique de la m�me �poque, en se d�marquant tout autant, dans une double opposition, du socialisme. Pour Esmein, la R�publique est une soci�t� politique o� le droit primerait sur la force et o� la justice, l�gitimant l'ordre politique, reposerait sur une �galit� de droit sinon une �galit� de chances. C'est cette �galit�, qui appara�t pour Esmein, et pour la culture politique r�publicaine, comme la condition de la vraie libert� de l'individu. La libert� r�publicaine ne na�t donc pas de la libre concurrence entre les individus. La libert� r�publicaine doit se construire politiquement dans l'�galit� par un acte de volont� s'imposant au social. Le concepteur, le constructeur et le garant de cet ordre juste ne peut �tre que la puissance publique, dont le support est l'�tat, agissant de par la loi. C'est pourquoi Esmein valide par exemple l'intervention de l'�tat dans les domaines �conomiques ainsi que l'ensemble de la l�gislation ouvri�re de la 3�me R�publique.
MOTS-CLÉ: N�o-r�publicanisme, Adh�mar Esmein, Lib�ralisme, 3�me R�publique, Alfred Fouill�e, Jean-Fabien Spitz, Philip Pettit, Puissance publique, �galit� des chances, Doctrine publiciste, Non-domination, Facult� de droit, Paris, L�gislation ouvri�re, Monopoles d'�tat, L�on Duguit, Charles Benoist.
RESUMEN: El presente art�culo recogido en este homenaje a Adh�mar Esmein reflexiona sobre el republicanismo de este gran jurista franc�s. Seg�n J. F. Spitz hay que distinguir, durante la Tercera Rep�blica francesa, la teor�a republicana de la teor�a liberal cl�sica; Spitz se apresta a demostrar que la teor�a republicana de Esmein se distingue claramente de la teor�a liberal cl�sica de la misma �poca, desmarc�ndose de esta primera de parecida forma a como establece una oposici�n clara al socialismo. Para Esmein, la Rep�blica es una sociedad pol�tica donde el derecho prevalece sobre la fuerza y donde la justicia, legitimando el orden pol�tico, reposar� sobre una igualdad jur�dica, pero no en menor forma sobre una igualdad de probabilidades y circunstancias que puedan llegar a producirse. Es esta igualdad la que aparece para Esmein y para la cultura pol�tica republicana, como la condici�n de la verdadera libertad del individuo. La libertad republicana no nace de la libre concurrencia entre individuos. La libertad republicana se debe construir pol�ticamente a trav�s de la igualdad por un acto de la voluntad que se impone a la realidad social. Quien concibe, construye y garantiza este orden justo no puede ser otro que el poder p�blico, cuyo sost�n es el Estado, actuando a trav�s de la Ley. Conforme a este criterio es como Esmein declara v�lida, por ejemplo, la intervenci�n del Estado dentro de los dominios econ�micos as� como tambi�n todo el conjunto de la legislaci�n obrera promovida por la Tercera Rep�blica.
PALABRAS CLAVE: Neorepublicanismo, Adh�mar Esmein, Liberalismo, Tercera Rep�blica, Alfred Fouill�e, Jean-Fabien Spitz, Philip Pettit, Poder p�blico, Igualdad de oportunidades, Doctrina publicista, No dominaci�n, Facultad de Derecho, Par�s, Legislaci�n obrera, Monopolios del Estado, L�on Duguit, Charles Benoist.
1. Introducción
Il y a au moins deux raisons pour lesquelles je souhaiterais ici revenir à nouveaux frais sur le « républicanisme » d’Adhémar Esmein (1848-1913). La première, c’est que la question de savoir si Adhémar Esmein a incarné un moment républicain dans la doctrine publiciste française est susceptible de contribuer à un débat plus large sur ce que l’on appelle le néo-républicanisme. Ce courant de philosophie politique, qui s’est développé depuis plus d’une trentaine d’années dans le monde anglo-saxon, et dont les principaux représentants sont J. G. A. Pocock1 , Quentin Skinner 2 ou Philip Pettit 3, peine en effet à intégrer l’expérience républicaine française dans sa généalogie. C’est le constat que fait par exemple S. Hazareesingh4 . Démontrer clairement le républicanisme d’Esmein, c’est renforcer l’idée selon laquelle, malgré l’épisode révolutionnaire, s’est développée en France une tradition républicaine spécifique, nourrie des idéaux des Lumières, qui ne s’est jamais confondue avec la tradition « libérale » mais qui n’a jamais renoncé non plus à mettre au cœur de son projet la liberté individuelle et à consacrer pour finalité politique le plein développement de l’individu. C’est donc tenter d’apporter une pierre à la généalogie de l’idée républicaine comme philosophie politique alternative à la philosophie politique libérale classique. La seconde raison, c’est que dix ans après sa réception, la thèse que j’ai soutenue sous la direction de Jean-Claude Colliard sur Le droit constitutionnel de la République5 a donné lieu à quelques critiques convergentes portant sur l’orientation idéologique et politique que j’y attribuais au grand professeur de droit de la Troisième République.
A l’encontre des efforts que je déployais pour démontrer terme à terme qu’Esmein était le grand légiste de la IIIè République6 , d’aucuns s’accordaient pour affirmer qu’il était ce que l’on peut appeler un « libéral » bon teint 7. Ils considéraient qu’en terme de républicanisme, il se caractérisait par un certain pragmatisme plutôt que par le militantisme que j’avais cru déceler et qu’à bien y songer, ses Eléments de droit constitutionnel 8 témoignaient qu’il tolérait certes la forme républicaine de l’État mais comme il en aurait pu tolérer d’autres. Ses références théoriques n’étaient-elles pas Tocqueville, le duc de Broglie, Laboulaye ou Prévost-Paradol ? Le ban et l’arrière ban de ces libéraux français qui avaient renoncé bon gré, mal gré à considérer la question de la forme du gouvernement pourvu que la sauvegarde des libertés fût assurée. Et quoi ? Esmein ne mettait-il pas justement la question de la liberté au cœur de ses Eléments 9? Bref, le verdict s’imposait. Esmein appartenait à cette belle race « libérale », dont la France pouvait d’autant mieux s’enorgueillir que les anglais en monopolisaient la plupart des spécimens.
A rebours d’une telle interprétation, j’aimerais donc défendre une nouvelle fois ici la thèse selon laquelle A. Esmein était bien un républicain au discours structuré. La nouveauté par rapport à mes précédentes tentatives réside dans le fait que je voudrais m’employer à consolider cette hypothèse en déplaçant mes arguments de la sociologie politique, discipline à laquelle je suis habitué, à l’histoire des idées, le terrain qu’affectionnent davantage mes contradicteurs.
Il ne faut pas s’en cacher. Une telle démonstration n’est pas exempte de difficultés.
Un premier bloc de difficultés tient justement aux conséquences de ce déplacement du terrain de la sociologie politique à celui de l’histoire des idées. L’opération n’est pas sans risque. Il convient en effet de prendre gare à ne pas importer en contrebande certains présupposés de l’histoire des idées politiques et notamment celui bien connu, qui consiste à faire comme si les idées étaient autonomes du contexte dans lequel elles ont été produites10 .
Car bien que, dans certains cas, cette conception de l’histoire des idées politiques puisse indéniablement devenir heuristique, en revanche elle n’est pas compatible avec le projet du présent article11 . Pour se permettre d’échapper, au moins dans une certaine mesure, à certains anachronismes que l’histoire des idées classique est toujours susceptible de colporter, il me semble qu’il faut avoir à l’esprit quelques interrogations préalables. Par exemple, à quel type d’étalon faut-il confronter la conception du droit d’Esmein pour évaluer dans quelle mesure elle diffèrerait ou se conformerait à un prétendu modèle républicain ? Cet étalon peut-il être construit sous forme d’idéal-type et le cas échéant comment construire un idéal-type de la philosophie républicaine sans essentialiser ladite philosophie et la des-historiciser ? S’il est essentiel de démontrer que l’appartenance d’Esmein à la tradition républicaine est exclusive de son appartenance à la tradition libérale, quels sont donc les éléments structurants de ce prétendu modèle républicain permettant de distinguer sa pensée de la tradition libérale ? Autant d’interrogations dont j’essaierais de tenir compte dans la suite de cet article.
Le second bloc de difficultés, que je distingue, se rapporte plus particulièrement à la prise en compte minimale des « logiques de situation », qui pesaient sur A. Esmein comme acteur social et dont, selon moi, il convient d’avoir au moins une idée approximative lorsque l’on souhaite comprendre ce que faisait Esmein quand il faisait du droit constitutionnel. Pour le dire vite, le cours de droit constitutionnel est créé par l’administration de l’enseignement supérieur en 1890, un an après l’aventure boulangiste. Sans doute est-il même précisément créé pour répondre aux risques qu’elle semble avoir fait courir à la République naissante. Bref, au moment de sa création, la transition démocratique était encore loin d’être assurée en France. Dès lors, il est facile d’imaginer la pression existant sur un cours nouvellement créé et qui se donnait pour ambition de diffuser la connaissance du fonctionnement des institutions républicaines à un moment où précisément celles-ci demeurent discutées dans de vastes pans de la population française, à commencer par certains de ses pans élitaires. Selon moi, qu’il en soit ou non conscient, cette situation n’était pas sans peser sur les options épistémologiques d’Esmein. Il se voyait en effet confier par la haute administration de l’enseignement supérieure, dirigée alors par l’omnipotent Louis Liard, la mission de naturaliser la République en France alors qu’elle demeurait contestée. C’est ce qui explique, selon moi, que ses Eléments de droit constitutionnel soient soutenus par une sorte de grand récit, qui présente le droit de la République comme un aboutissement – non nécessaire du reste – du développement historique du droit constitutionnel plutôt par exemple que comme la réalisation d’un projet politique cohérent. Il va sans dire que, selon moi, ce positionnement épistémologique, sur lequel je reviendrais parce qu’il est décisif, avait une dimension politique et stratégique, en ce qu’il enregistrait et renforçait l’idée selon laquelle la République était un régime politique consensuel en France, qui ne s’opposait pas à d’autres formes d’organisation du politique concurrentes mais qui tout simplement les remplaçait. Selon la conception d’Esmein, la République consacrait de fait plus exactement la réalisation concrète et complète des idées constitutionnelles telles qu’elles s’étaient dégagées de l’histoire et telles qu’elles étaient acceptées par la majorité de la société française. Autrement dit, Adhémar Esmein ne présente jamais le droit constitutionnel de la République comme un droit constitutionnel républicain, issu d’un courant de pensée structuré, théorisé par une clique spécifique d’acteurs plus ou moins militants, venant des mondes politiques et intellectuels et se substituant à une autre tradition française. Le droit constitutionnel républicain est seulement présenté par Esmein comme l’ensemble des idées constitutionnelles mûries et acceptées par la société française, donc légitime, correspondant à un moment donné du développement progressif du droit constitutionnel.
Je dois préciser ici que j’ai déjà montré en politiste à quel point A. Esmein était un professeur de droit, qui participait de l’entreprise de républicanisation des facultés de droit, que les élites politico-administratives républicaines tendaient à mettre en place à partir de 1879 12. Dans ce cadre, j’ai montré ses liens personnels avec certains administrateurs et ministres républicains engagés. Mais j’ai aussi montré que sur toutes les questions politiques les plus polémiques des débuts de la Troisième République, qui, parfois, étaient susceptibles de mettre le régime naissant en cause, A. Esmein justifiait sans exception – le fait est plus que remarquable dans les facultés de droit de l’époque ! – la position des gouvernements républicains.
C’est ainsi par exemple que j’ai montré combien en 1896, A. Esmein joue un rôle important, relayé notamment par la presse et les fractions avancées du camp républicain, dans le bras de fer auquel se livrent le gouvernement de Léon Bourgeois et le Sénat afin de savoir si celui-ci avait le droit constitutionnel de renverser celui-là; qu’il prit position pour justifier l’usage pourtant contesté de la Haute Cour par le gouvernement Waldeck-Rousseau à l’encontre des menées nationalistes de 1899 ; qu’il s’opposa toujours à l’introduction du scrutin proportionnel dont il pensait qu’il affaiblirait les majorités parlementaires républicaines; qu’il fut opposé à la création de syndicats de fonctionnaires parce qu’il y voyait un ferment de dilution de l’État républicain, mais qu’il acceptait dans le même temps les syndicats d’ouvriers, s’alignant là encore sur la position majoritaire des gouvernements républicains ; qu’il défendait la totalité des lois ouvrières républicaines et que plus significatif encore, il soutint la politique de séparation de l’Église et de l’État en son entier justifiant les mesures les plus dures des gouvernements républicains contre les congrégations religieuses. Selon moi, toutes ces prises de positions polarisées sur le plan politique suffisent à démontrer la thèse selon laquelle Esmein était un républicain militant. Il forgea des arguments décisifs sur chacun de ces sujets, que les gouvernants républicains reprirent à leur compte souvent publiquement. Sur chacun de ces sujets, A. Esmein se retrouvait en outre en opposition avec les positions des libéraux, structurés essentiellement au tournant du XIXème siècle, autour d’institutions telles que la Revue des deux mondes, l’Académie des sciences morales et politiques, l’École libre des sciences politiques, le Musée social, ou certaines franges de l’École de la Paix sociale, etc.
Néanmoins, si l’on se place maintenant sur le terrain exclusif de l’histoire des idées, il convient de construire un outil s’apparentant à un modèle idéal-typique de l’idéologie républicaine du début de la Troisième République. C’est lui qui nous permettra de démontrer ou d’infirmer la thèse selon laquelle la théorie juridique d’Adhémar Esmein était républicaine. Mais selon les préceptes contextualistes qui sont les miens, je dois également apporter la preuve qu’être républicain sur le plan idéologique à la fin du XIXème siècle en France n’est pas compatible avec l’idéologie « libérale » au sens où certains publicistes et acteurs politiques de l’époque se considéraient et étaient reconnus alors comme appartenant à la famille politique « libérale ».
Mais en outre, afin de faciliter le dialogue avec mes contradicteurs et cela malgré la lacune que je crois déceler dans leur raisonnement qui ne comporte pas de définition claire du « libéralisme », laissant de côté cette fois-ci mes présupposés contextualistes, je devrais identifier une définition objective du libéralisme à la manière de l’histoire des idées politiques et m’en servir comme point de comparaison avec le républicanisme d’Esmein.
Or, dans leur récente anthologie, V. Valentin et A. Laurent se sont essayés à isoler ce qu’ils appellent les « deux piliers » du libéralisme. Ces derniers formeraient son socle idéologique et cela malgré la diversité des formulations dont par ailleurs il a pu faire l’objet. Ces deux piliers, ce sont la « primauté de la liberté individuelle » et « le respect de la société comme auto-régulée 13 ». Ils nous serviront d’aiguillon au long de notre démonstration afin d’analyser leur place dans la pensée d’Esmein.
C’est en effet l’une des faiblesses de la plupart des travaux qui entendent nuancer la thèse du républicanisme d’Esmein: en leur sein, l’on ne comprend pas toujours très bien vis-à-vis de quoi les positions d’Esmein sont finalement évaluées si ce n’est une vague doxa « libérale » assez mal caractérisée autour de l’amour de « la liberté ». Afin de mettre quelque ordre dans ces raisonnements, il se trouve que nous possédons un autre outil précieux facilitant la comparaison entre le libéralisme et le républicanisme de la fin du XIXème siècle. Un livre publié assez récemment s’est en effet donné pour ambition de définir de manière idéale-typique ce qu’est le modèle idéologique républicain de la Troisième République, et que, par chance pour notre projet, il s’attache à montrer comment ce républicanisme entend se distinguer de la tradition « libérale », tout en consacrant la liberté au cœur de son modèle: ce livre, c’est Le Moment Républicain en France de Jean-Fabien Spitz14 .
Dans son livre, J.-F. Spitz entend démontrer, à l’encontre d’une historiographie française dominante, représentée par des figures aussi diverses que F. Furet, P. Rosanvallon ou L. Jaume, qu’à la fin du XIXème siècle, des intellectuels français ont participé de la définition d’un modèle idéologique républicain relativement cohérent s’opposant tout à la fois au libéralisme et au socialisme au nom de la liberté moderne.
Cette idéologie républicaine, prenant ses distances avec certaines dérives propres à ce que J.-F. Spitz appelle, après F. Furet, la « passion révolutionnaire », se distinguerait des libéraux en faisant de l’égalité non pas la racine de « l’illibéralisme » français mais la condition même de la liberté moderne15 . Une société politique juste, capable de faire advenir des citoyens dans toute leur individualité, reposerait d’après elle sur une égalité de droit sinon de chances dont le fondement ne pourrait être garanti et assuré que par la puissance publique.
Autrement dit, selon J.-F. Spitz, « la culture politique républicaine est caractérisée par le fait que l’égalité dans le statut de citoyen est non seulement la condition mais la matière de la liberté dans une société d’individus. La République n’a jamais voulu dépasser l’individualisme sous prétexte qu’il engendrait de nouvelles inégalités, mais il a voulu lui assigner sa pleine réalité non pas en supprimant les inégalités – chose qu’elle sait impossible – mais en instaurant la forme d’égalité de droit et de chances qui, seule, peut constituer le contexte dans lequel les inégalités qui se déploieront pourront être considérés comme légitimes. Et elle a toujours soutenu que la chose publique était le ressort et le garant de cette forme d’égalité sans laquelle la société moderne échappe à la prise du droit et devient illégitime »16 . Voilà pour le modèle !
Pour le construire, J.-F. Spitz s’appuie essentiellement sur cinq auteurs: Henry Michel, Alfred Fouillée, Léon Bourgeois, Émile Durkheim et Célestin Bouglé. Pour notre démonstration, nous nous appuierons sur le modèle idéal-typique républicain tracé par Spitz ainsi que, pour une raison de réalisme chronologique, sur la théorie de Fouillée dont nous pensons qu’elle a pue – l’hypothèse n’est pas décisive pour la démonstration – influencer plus directement Esmein. Alfred Fouillée (1836-1912) était en effet l’aîné de vingt deux ans d’A. Esmein et l’on peut penser que les deux hommes ont eu l’occasion de se croiser à la fin des années 1890 au sein de la Société de Sociologie de Paris, à laquelle ils appartenaient tous les deux. Si, sauf erreur de ma part, l’on ne trouve pas de référence directe à Fouillée dans l’œuvre d’A. Esmein – ce dernier ne dévoilant jamais directement ses sources théoriques –, l’on peut raisonnablement supposer qu’Esmein a lu l’un ou l’autre de ses best seller et par exemple L’évolutionnisme des idées forces ou L’idée moderne du droit, publié dès 1878, livre que son collègue et ami de la faculté de droit de Paris, F. Larnaude, n’hésite pas à placer dans sa bibliographie générale de droit public et de science politique, en gratifiant d’un éloge particulier « notre grand philosophe Fouillée ».
A la suite de C. Nicolet, l’œuvre de Fouillée est considérée par J.-F. Spitz comme essentielle à la définition du modèle républicain français de la IIIème République en ce qu’elle procède à une synthèse entre économisme libéral et socialisme. Au cœur de sa théorie, il y a la justification de la puissance publique comme productrice de la justice et de l’égalité. Or, nous dit Spitz, un point central de la philosophie républicaine est précisément que seule l’action publique y est considérée comme capable de libérer les individus des dépendances et des dominations privées qui s’imposent spontanément à eux. Cette synthèse vise également à jeter un pont entre conceptions du social polairement opposées comme le naturalisme et l’idéalisme.
Au cœur du système de Fouillée réside surtout sa célèbre théorie des idées-forces. Selon lui, les hommes « sont des créatures productrices d’idées » et « parmi ces idées, figurent des idéaux normatifs de nature morale ». Or, si ces idéaux relèvent du règne de la nature comme tout ce qui est humain, ils ne sont pas néanmoins le simple reflet de la structure sociale ou de l’organisme social. Ils ne se réalisent pas indépendamment de la volonté des membres de l’organisme, ni contre leur gré, mais uniquement par la médiation de leur volonté. Les idées-forces sont donc « des idéaux qui, par le simple fait qu’ils sont conçus, agissent comme « causes » de leur propre réalisation, causes non déterminantes puisque la prise en relais des représentations par la volonté libre joue un rôle essentiel » 17 .
Or, il me semble que cette synthèse républicaine s’accorde parfaitement avec la philosophie politique et certaines idées précises affleurant de la lecture des Eléments de droit constitutionnel d’A. Esmein. Nous l’avons dit. Il ne s’agit pas ici de faire l’hypothèse de l’influence directe de Fouillée sur Esmein mais bien plutôt d’abord de considérer, à l’instar de J.-F. Spitz, la théorie de Fouillée comme innervant le modèle républicain des années 1870-1890 et pouvant, de ce fait, apparaître de manière crédible comme l’une des sources du républicanisme d’Esmein.
C’est ainsi que le républicanisme d’Esmein s’inscrit dans une double opposition au libéralisme et au socialisme. C’est aussi une idéologie visant à créer une société politique où le droit primerait sur la force et où la justice légitimant l’ordre politique reposerait sur une égalité de droit sinon une égalité de chances. C’est cette égalité, qui apparaît pour Esmein, et pour la culture politique républicaine, comme la condition de la vraie liberté de l’individu. La liberté républicaine d’Esmein n’est donc pas la liberté des libéraux comme l’égalité républicaine n’est pas l’égalité socialiste. La liberté républicaine ne naît pas de la libre concurrence entre les individus et la société politique n’a pas pour finalité de protéger ce bien naturel si précieux. La liberté républicaine d’Esmein doit tout au contraire s’arracher et se construire politiquement dans l’égalité par un acte de volonté s’imposant au social 18. Last but not least, le concepteur, le constructeur et le garant de cet ordre juste ne peut être que la puissance publique, dont le support est l’État, agissant de par la loi.
On comprend donc que pour traiter de la question du républicanisme d’A. Esmein, il soit nécessaire de revenir sur sa conception des droits individuels. C’est elle, en effet, qui permet de mettre en évidence l’anthropologie qui sous-tend l’ensemble de sa philosophie politique (I) ; cette dernière se construisant autour d’une définition de la liberté explicitement républicaine (II).
2. L’anthropologie républicaine d’Adhémar Esmein
Sans doute est-ce sa théorie des droits individuels, qui permet de mettre le mieux en évidence la synthèse entre métaphysique du XVIIIème et organicisme naturaliste du XIXème à laquelle procède Esmein, et cela d’abord parce qu’elle dévoile son anthropologie.
Le fondement théorique des droits individuels, A. Esmein croit donc d’abord le trouver dans cette idée « que la source de tout droit est dans l’individu, parce que lui seul est un être réel, libre et responsable » 19 . Autrement dit, c’est parce que l’homme est le seul être à pouvoir concevoir des idéaux moraux, qu’il peut aussi se représenter comme possédant des droits individuels découlant de sa nature d’être réfléchissant. Telle est la profession de foi individualiste d’A. Esmein. Elle colle au modèle républicain mis à jour par J.-F. Spitz, qui fait de l’individualisme, comme nous l’avons vu, l’un des éléments clefs du modèle républicain mais à ce stade, la théorie d’Esmein demeure aussi compatible avec l’individualisme métaphysique du XVIIIème.
En revanche, point sur lequel A. Esmein déroge profondément à ce dernier, c’est lorsqu’il considère que le fondement de ces droits individuels ne se trouve ni dans l’hypothèse du droit naturel dont il retrace longuement l’histoire, ni dans l’hypothèse classique du contrat social à laquelle il a renoncé pour cette raison que rien dans l’histoire et ses faits positifs ne semble valider une telle hypothèse, « l’état de nature, aussi bien que le contrat social proprement dit, sont des hypothèses historiques contraires aux données de l’histoire et de la sociologie »20 .
C’est là qu’à mon sens, quelque chose qui s’apparente à la théorie des idées-forces de Fouillée, joue tout son rôle de cadre théorique de substitution au simple individualisme des Lumières.
Afin donc de dégager le principe des droits individuels, A. Esmein s’efforce de concilier les données de l’histoire et de la sociologie, avec l’idée selon laquelle, malgré la fatalité des lois naturelles qu’elles enseignent, l’homme conserve la capacité de définir les fins de la société politique. Les idéaux qu’il produit, ne sont point de simples reflets de l’existence naturelle; bien au contraire. A l’instar d’A. Fouillée en effet, A. Esmein semble donc considérer que les idées relèvent certes bien du règne de la nature mais ne sont pas pour autant déterminées par ses lois. Ces idéaux modèlent de fait la réalité sociale. Le droit constitutionnel est justement le mouvement d’idées, façonnées historiquement par les hommes, par lequel ils conçoivent à un moment donné les principes juridiques de l’organisation juste du politique. Transcrit dans le vocabulaire de Fouillée, c’est un patrimoine d’idées-forces, c’est-à-dire précisément des idées capables de construire la réalité sociale et d’être les propres causes de leur réalisation. La représentation des droits individuels comme condition de la pleine humanité est ainsi l’une de ces idées forces.
Mais A. Esmein, tout comme Fouillée là encore, reconnaît aussi – c’est la concession cette fois-ci à l’organicisme – l’existence positive des sociétés et admet, dans une certaine mesure, « qu’elles se comportent comme des organismes vivants et que la totalité y possède incontestablement une consistance propre agissant comme une causalité déterminante sur les parties individuelles qui les composent »21 , au moins reconnaît-il qu’elles évoluent selon des « lois partiellement fatales ». « Chaque nation ainsi formée a vraiment une sorte de vie propre, distincte des vies additionnées des individus qui la composent à un moment donné »22 affirme-t-il. Esmein va même plus loin dans cette voie fataliste et anti-individualiste. Dans la mesure où l’esprit humain peut concevoir et mettre à jour cette dimension fataliste du développement des sociétés humaines, la volonté et la liberté des hommes doivent s’y plier, y conformer même leurs actes.
Après avoir balancé du côté de l’individualisme puis de l’organicisme, Esmein conclut de manière synthétique que cette fatalité des lois du développement des sociétés ne s’impose pas d’elle-même aux individus, « les individus vivants qui les composent sont au contraire des êtres qui ont le sentiment de la responsabilité morale et qui peuvent librement diriger leurs actes, sauf à voir leur effort se briser s’ils se heurtent à une force naturelle »23 . Ce sont donc les individus « libres et responsables » qui, « en droit et en raison », peuvent déterminer la structure et la finalité de la société politique, dans la limite de la fatalité des lois naturelles, qui s’imposent à eux.
Du reste, c’est dans leur intérêt qu’ils peuvent et qu’ils doivent concevoir l’organisation du politique; or, leur premier intérêt et leur premier droit consiste à « pouvoir librement développer [ leurs ] facultés ». « Et le meilleur moyen pour assurer ce développement, c’est de permettre à l’individu de le diriger lui-même, spontanément, à sa guise et à ses risques et périls, tant qu’il n’entamera pas le droit égal d’autrui » 24. L’on remarquera ici que c’est le développement de son être que doit permettre l’égal accès à la liberté. C’est donc bien que pour Esmein, la finalité de la société politique est la pleine individualisation de ses membres. Chaque individu doit pouvoir s’y réaliser entièrement, en assurant son propre développement. Là encore, Esmein s’accorde sur ce point décisif avec le modèle républicain de Spitz, la société politique républicaine est bien une société des individus, c’est-à-dire de la différenciation individuelle.
Néanmoins, cela n’empêche pas que le primat de la liberté soit contrebalancé chez Esmein par la condition de l’égalité puisque chaque individu doit se voir garantir une égale protection de ses droits individuels. Il me semble que l’on peut en déduire qu’en bon républicain, Esmein voit dans l’égalité et la liberté un couple indissociable, l’égalité conditionnant l’effectivité de la liberté, les deux étant intrinsèquement liées l’une à l’autre. Il n’y a pas de liberté sans égalité, ni d’égalité sans liberté. Telle me semble être la maxime républicaine d’Adhémar Esmein.
***
On l’aura compris, pour A. Esmein, les droits individuels ne sont en rien une donnée de la nature antérieure à l’État ou plutôt, selon le retournement que l’on emprunte à la théorie de Fouillée, ils sont une donnée de la nature pour autant que les idées formulées par les hommes font partie de la nature car comme nous l’avons mentionné, à l’instar du reste du droit constitutionnel, chez Esmein, ce sont d’abord des idées, qu’il convient de réaliser dans l’ordre du droit positif. Et c’est « l’organisation politique » qui est seule chargée de « procurer et garantir » la liberté 25. Autrement dit, l’auto-organisation de la société civile, l’un des piliers de la théorie libérale selon V. Valentin, n’est ici garante ni de la liberté politique, ni – bien entendu – de l’égalité.
La garantie d’une société vraiment libre et juste ne réside pas chez Esmein comme chez les stricts libéraux dans le fait qu’elle soit reflétée à l’identique et authentiquement dans l’ordre politique mais au contraire dans la capacité du politique à la transmuer en faisant advenir en son sein, juridiquement, les droits individuels, à commencer par le couple indissociable égalité et liberté. Pour Esmein, la domination et l’anarchie l’emporteraient si aucune puissance supérieure ne s’imposait pour remodeler et pacifier la société telle qu’elle se développe naturellement. La force primerait le droit ; le faible serait opprimé par le fort, la violence triompherait.
Mais à qui échoit cette capacité de créer et de modeler la société politique pour faire advenir une société de droit ? A la puissance publique répond sans ambages Esmein. C’est elle, qui doit organiser le régime des droits et des libertés des individus, une puissance publique, qui est la fois supérieure et commune à tous, parce que tous participent à sa définition. Du reste, parce que le risque d’oppression ne saurait être écarté, tout doit être fait pour éviter son autonomisation. C’est ainsi qu’impérativement, les gouvernants doivent en être comme chez Rousseau, les premiers serviteurs: « Prenons d’abord la théorie de la personnalité de l’État, nous dit Esmein, […] la notion la plus élevée qu’ait dégagée le droit public moderne, car elle implique que l’autorité publique doit être exercée dans l’intérêt de tous et que les gouvernants sont simplement les premiers serviteurs de la communauté »26 .
C’est donc cette autorité publique, qui doit établir et garantir la justice positive entre l’ensemble des membres de la communauté nationale. La puissance publique, qui n’existe que pour le bien de tous, est la seule matrice légitime pour donner leur effectivité aux droits individuels. Et c’est bien elle, qui doit assurer le libre développement de chacun des membres de la société politique, c’est là même, nous dit Esmein, « sa mission essentielle » et « sa première et principale raison d’être » 27. La puissance publique est donc la garante des droits individuels et notamment de l’égalité comme condition de la liberté. Il ne fait donc aucun doute qu’Esmein adhère à cette idée centrale, que le modèle républicain de J. F. Spitz défend bec et ongles contre le libéralisme: c’est la puissance publique, assurée par un État fort, qui est la condition de la diversification individuelle, de l’individualisation. On est là me semble-t-il aux antipodes de la belle définition que Georges Burdeau donnait de l’État strictement libéral où ce dernier ne se donne pour fin que l’autorégulation de la société civile: « Enveloppe superficielle d’une réalité sur laquelle il est sans pouvoir, appareil surajouté aux formes spontanées de la vie pour discipliner leur exubérance sans attenter à leur autonomie, superstructure juridique destinée à encadrer unV donné social en constante évolution, l’État libéral doit aux doctrines l’image d’un mode en marge duquel il est relégué comme l’impassible ordonnateur d’une cérémonie qui ne le concerne pas »28 . C’est tout au contraire ici l’État et la puissance publique, au service de la communauté, qui permettent l’émergence de la société des individus. Cette dernière n’existe pas sans eux.
Du reste, justifiant cet État fort jusque dans le domaine économique, Esmein ne valide-t-il pas les monopoles d’État : « d’autres fois le monopole se justifie par l’utilité d’un grand service public, que l’État peut assurer mieux que la concurrence libre, c’est le cas pour les postes, les télégraphes, les téléphones, les chemins de fer »29 . La puissance publique n’est donc pas pour A. Esmein une force dont il faudrait limiter la portée, c’est la seule force capable d’instituer une société politique juste donc légitime.
Mais par quel moyen assurer pleinement le régime des droits individuels? Dans le prolongement du rôle qu’il fait jouer à la puissance publique, c’est par la loi et la loi seule qu’Esmein entend les protéger car, par sa conception particulière, qui fait que tous les citoyens participent à sa fabrication et que tous ayant vocation à subir son joug, aucun n’accepterait qu’elle fût injuste: « ce qui fait la vertu protectrice de la loi, c’est sa conception même [ …] elle ne peut guère être injuste »30 . A. Esmein suit alors assez strictement la pensée rousseauiste et il me semble que cette profession de foi en faveur de la loi « juste » ne déroge en rien au modèle républicain. Du reste, elle se distingue de la pensée des stricts libéraux et de leur idée selon laquelle la loi, dont la dimension coercitive est première, ne doit s’employer qu’au strict minimum, afin de sauvegarder les droits naturels.
Chez Esmein, au contraire, la loi fait advenir le citoyen-individu. C’est donc le pouvoir politique qui doit modeler la société des individus. Point d’orgue de la pensée républicaine parfaitement opaque à la tradition libérale : les droits individuels eux-mêmes sont conditionnés à une effectivité, que leur assure la loi. « Quelque légitimes que soient les droits individuels, ils n’ont pas une portée illimitée. Ils ont, au contraire, deux limites nécessaires : le respect du droit égal chez autrui, et le maintien de l’ordre public. Leur exercice suppose donc une réglementation que doit en faire le législateur et, tant que cette réglementation n’a pas eu lieu, le droit déposé, garanti par la constitution, ne peut être exercé ; il reste là comme une simple promesse »31 . Esmein ne se rallie donc pas à la thèse du droit naturel. Au contraire, il défend celle éminemment républicaine de l’autolimitation du législateur. Et pourquoi pas ? Puisque sur ce dernier et sur la loi qu’il vote, pèse une présomption de justice.
Ce qu’affirme donc ici Esmein, c’est que l’idée de droits individuels, à l’instar des autres grands principes du droit constitutionnel, est une idée qui a émergé à l’issue d’un processus historique spécifique. Ces droits individuels constituent, nous l’avons dit, une sorte d’idée-force, susceptible de participer à la construction du réel. Selon Esmein, cette idée semble être venue supplanter historiquement l’idée de droit naturel. Or, qu’implique-t-elle ?
Les droits individuels ne sont pas transcendants. Ils n’appartiennent pas « ontologiquement » à l’individu puisqu’ils sont d’abord une idée juridique, une représentation produite par l’homme. Autrement dit, dans une société « s » capable de les penser à un moment de l’histoire, ils ne seraient présents en tant que droits qu’à l’état latent, en ce sens qu’ils ne seraient présents qu’en tant qu’ils seraient une idée morale formulée par certains de ses membres.
Mais faut-il encore que la puissance publique les consacre pour les faire exister positivement. La formule est remarquable. Ils sont certes présents à l’état de potentialité avant même leur consécration par la loi. Ils le sont en tant qu’idéalité morale formalisée et susceptible d’être diffusée. Mais la conséquence est qu’en tant que simple idéalité, ils ne sont en aucun cas opposables à l’État. Ils ne peuvent s’imposer à l’État car ils n’ont pas de vie juridique propre antérieure à leur sanction législative. Il n’y a donc pas d’antinomie entre l’État et ces droits. Seule leur potentialité comme représentation idéelle s’impose à l’État. De sorte que le législateur doit donner à cette idée juridique son effectivité pour qu’elle existe pleinement en tant que droit positif.
Dès lors s’explique ce qui semble être une contradiction entre les deux affirmations suivantes d’Esmein: 1/le principe des droits individuels « interdit au souverain de faire les lois qui entament les droits individuels, et lui commande d’en promulguer qui assurent efficacement la jouissance de ces droits »32 et 2/« une loi qui supprimerait ou entamerait une liberté ou l’un des droits garantis par la Constitution ne serait pas nulle pour cela » 33. C’est qu’il existe bien une obligation morale du législateur de réaliser positivement les droits individuels (1) mais une loi qui irait à l’encontre ne violerait pas un droit mais seulement la potentialité de ce droit comprise dans sa représentation (2).
Cette conception éminemment républicaine s’oppose une fois encore au libéralisme classique, qui affirme au contraire l’existence naturelle et positive de droits opposables à l’État. Au reste, cette dernière est compatible sinon impose la consécration d’un contrôle de constitutionnalité. Tout au contraire, la conception républicaine d’Esmein s’y oppose. Au moins sur cette base.
3. La liberté républicaine d’ Adhémar Esmein
Cette liberté républicaine, Adhémar Esmein la définit contre la liberté du libéralisme classique, notamment en ce que, selon lui, la vraie liberté se trouve conditionnée à l’égalité.
Comme le rappelle Spitz, la philosophie analytique a distingué deux définitions de la liberté, l’une comme non-interférence, l’autre comme non-domination. La première détermine la tradition « libérale » ; la seconde, le modèle républicain. Or, la définition de la liberté comme non interférence inhérente à la tradition libérale classique implique certaines situations qui sont des « situations de non-liberté, comme l’atteste le cas d’un homme, qui serait sous la coupe d’un maître bienveillant. Ce maître pourrait ne jamais intervenir effectivement mais la possibilité qu’il aurait de le faire par simple décision arbitraire exposerait ceux qui dépendent de sa bonne volonté à une vulnérabilité telle qu’ils seraient déterminés à ménager ses désirs, à se conduire de manière à ne pas le provoquer, à se montrer déférents, etc. »34 . Or, cette vulnérabilité, ou domination, est une négation de la liberté au moins aussi importante que l’interférence arbitraire elle-même. Il est donc possible de ne pas être libre sans cependant subir d’interférence. Et de fait, le concept moderne de liberté « n’est pas un état de fait – l’absence d’interférence – mais un état de droit qui se définit par la protection juridique contre l’éventualité même d’une interférence arbitraire. La question de la liberté ne se réduit donc pas à celle de savoir si les interférences à l’exécution de nos volontés existent, mais si nous sommes placés dans une situation telle que le droit et la force communs nous protègent contre l’éventualité d’une interférence arbitraire. C’est cette situation que Philip Pettit a appelé non domination, montrant en outre qu’il s’agit bien d’une conception négative de la liberté – qui la définit par l’absence de quelque chose – mais que à la différence de la définition « économiste », elle met l’accent sur le fait que l’absence de la domination est aussi importante que celle d’interférence, que seule l’interférence arbitraire est l’ennemi de la liberté et que, dans un État de forme démocratique, l’interférence de la loi – expression de la volonté – est précisément exempte de ce caractère arbitraire » 35.
Qu’en est-il de la définition de la liberté adoptée par Adhémar Esmein ? Est-ce la liberté non-interférence propre à la tradition libérale classique ou est-ce la liberté non-domination propre au modèle républicain ? Il me semble que nous trouvons dans les Éléments une réponse très claire, qui classe Esmein sur cette question de la liberté du côté du modèle républicain exclusif de l’idéologie libérale classique.
En effet, il y récuse la thèse libérale selon laquelle seul le « respect de la société comme autorégulée » garantit la liberté. Ensuite le légiste républicain de la faculté de droit de Paris voit dans la loi, expression de la souveraineté nationale, la seule institution capable de garantir la liberté comprise comme non-domination. Cette récusation de la liberté comme non-interférence, il la développe longuement dans les réponses, qu’il donne aux théories de Charles Benoist et de Léon Duguit.
On sait la thèse du premier. Voici comment Esmein en rend compte afin de la contrer. L’auteur « voudrait remettre à des associations et corporations, à des classes particulières de citoyens, ou du moins aux membres qui les composent, considérés en cette qualité, l’exercice du droit électoral: « ces réalités sociales, ces vies collectives de l’individu, ne pourrait-on pas refaire et restaurer par elles les cadres imprudemment brisés; […] voter, au lieu d’être l’exercice de la souveraineté, serait une fonction de la vie nationale; la théorie de la vie nationale remplacerait la théorie de la souveraineté nationale »36 . Or, que répond Adhémar Esmein à cette idée du primat de la vie sociale, en tant qu’il exprime l’auto-organisation de la société civile et dont l’organisation du suffrage, chez Charles Benoist, doit tirer les conséquences pratiques ? Il la condamne. Et pour ce faire, il rappelle la thèse républicaine. C’est l’existence d’une puissance publique, qui permet de créer et de garantir le droit contre le règne de la force. Cette puissance publique, rendue effective par la loi et dont la raison d’être consiste à se mettre au service de tous, au nom de chacun, est la seule garantie de la sanctuarisation des droits individuels ; seule est la capable de rétablir le droit contre la force, d’égaliser les conditions dans les termes que nous avons définis en tant qu’égalité des chances, de protéger les plus faibles contre les plus forts. Sans elle, la naturalisation du système politique, conçu comme reflet des rapports de forces, qui s’expriment de fait au sein de la société, n’aboutirait qu’à la violence et à la domination injuste des plus ardents et des plus prompts à s’emparer du pouvoir.
« Si ces associations, ces corporations ou ces classes, qui sont les organes de la vie sociale, n’ont au-dessus d’elles aucune puissance, on retombe dans un système semblable à l’anarchie féodale. Ce qui triomphe, ce n’est plus le droit inspiré par la raison humaine, c’est la force: on substitue la lutte des forces et des classes à l’empire du droit. La sauvegarde suprême du droit individuel, le règne de la loi, ne peuvent être assurés que par la reconnaissance d’une puissance supérieure, non seulement aux individus, mais aux groupes et aux classes » 37.
C’est ce même credo républicain, qu’Adhémar Esmein assène à Léon Duguit après que ce dernier eut pris position en faveur du syndicalisme. Voilà comment Adhémar Esmein présente d’abord la thèse du professeur de Bordeaux, à partir de la Conférence que Léon Duguit avait faite à l’École des hautes études sociales le 14 mars 1908: « Notre cher Collègue, élargissant encore les divergences qui nous séparent, vient d’adhérer à leur thèse » [du syndicalisme intégral], « les différentes classes sociales, dit-il, prennent conscience à la fois de leur autonomie et de leur indépendance. Elles se donnent par le syndicalisme une structure juridique définie ; elles tendent même à acquérir la direction de la besogne sociale qui, en fait, leur incombe ; elles viennent limiter l’action du gouvernement central, devant la réduire dans un avenir peut-être prochain à un simple rôle de contrôle et de surveillance. Ainsi, j’en ai la conviction, le mouvement syndicaliste, après une période plus ou moins longue de troubles et peut être de violences, pourra donner à la société politique et économique de demain une cohésion que n’a point connue depuis des siècles notre société française » 38.
On trouve là rassemblés tous les éléments de la thèse libérale de l’auto-organisation de la société civile. Plus encore. C’est ce qui exaspère la distance entre Duguit et Esmein, c’est l’État, qui apparaît comme la cible privilégiée du professeur bordelais, rabattu à ce simple rôle de « contrôle et de surveillance » de la société civile, que l’on avait trouvée dans la définition de Burdeau. La puissance publique doit ainsi tout au plus être appréhendée comme un simple régulateur des jeux de pouvoir et de concurrences entre les intérêts collectifs privés. Ces derniers doivent s’ébrouer le plus librement possible de sorte que chez Duguit, la fin de l’organisation du politique semble essentiellement consister à consacrer et garantir ce libre jeu de concurrence. En aucun cas, la puissance publique ne doit s’imposer pour chercher à ré-imaginer et rétablir des relations prétendument plus justes entre les membres de la société politique comme le projet républicain d’Esmein se propose de le faire. Le jeu naturel des forces sociales y pourvoie. L’autorité publique consacre tout au plus juridiquement l’existence de classes sociales et d’associations présentes à l’état réel au sein de l’organisme social, elle garantit donc le décalque de la réalité des forces sociales au sein de l’organisation politique, devant rendre le plus exactement possible l’une à l’autre transparente. Mais c’est bien l’auto-organisation de cette société civile, qui garantit in fine la justice des relations sociales dans ce modèle. Du reste, chez Duguit, si puissance publique il y a encore, cette dernière apparaît extérieure à l’organisme social, c’est là une condition du succès de son action, alors que chez Esmein, cette puissance publique est la condition sine qua non de la société politique parce qu’elle est la condition du droit, de cette transmutation des acteurs et des forces réels de la société naturelle en acteurs et en force de droit, c’est-à-dire réévaluée et ré-imaginé par le droit. Esmein cite encore le professeur bordelais sur ce point: « la formation de syndicats puissants, encadrant tous les individus de toutes les classes sociales et reliés entre eux par des conventions collectives, établissant des relations d’ordre juridique, constituera une garantie puissante, la seule efficace contre l’omnipotence des gouvernants […] Il y a dans cette formation syndicale une forte et résistante structure, qui formera une barrière à l’application de toute mesure oppressive. Ce sera comme l’organisation permanente d’une résistance à l’oppression » 39.
Que répond Esmein à la thèse de Duguit. Il la fustige: « Que de Chimère et de vague ! ». Mais surtout, une nouvelle fois, il rappelle la thèse républicaine en invoquant la liberté comme non domination : « Les groupes ainsi constitués opprimeraient leurs membres, chercheraient à se dominer les uns les autres, et s’efforceraient de détruire les individus qui resteraient isolés » 40. Seule la puissance publique est à même de rétablir et garantir les droits et les libertés des plus faibles. La doctrine du syndicalisme intégral remplace la force par le droit, les individus restés isolés se soumettraient aux plus puissants et aux plus hardis. C’est donc précisément une situation dans laquelle les plus faibles seraient dominés par les plus forts. Du reste, ajoute Esmein, nous avons connu historiquement cette organisation politique, c’est comme ça que s’est formée la féodalité occidentale dans l’anarchie des IXème et Xème siècles. Et du reste constate-il, c’est bien à la féodalité qu’en appelle directement Duguit. « Au treizième siècle précise ce dernier, la féodalité aurait offert l’image d’une société dont les classes hiérarchisées et coordonnées étaient unies entre elles par un système de conventions qui leur reconnaissaient une série de droit et de devoirs réciproques ». Et Esmein de s’écrier une nouvelle fois : « Un retour à la féodalité, même celle du XIIIè siècle ! Proposer l’exploitation féodale à ceux qui dénoncent l’exploitation patronale et capitaliste ! Que nous sommes loin de nos philosophes du XVIIIè siècle, inspirateurs de la Révolution, qui ne songeaient qu’à faire vivre les hommes en paix, dans l’égalité des droits et en pleine liberté, sous l’empire de la raison et la garantie de la souveraineté nationale ! »41 .
***
J’ai dit que la liberté chez Esmein était conditionnée à l’égalité. Mais de quelle égalité nous parle-t-il exactement ? C’est bien là l’une des questions déterminantes de mon exposé car pour J.-F. Spitz, selon la philosophie politique dominante actuelle, qui voit dans le républicanisme une tradition antinomique de la liberté politique, c’est l’égalité républicaine, qui nourrit les phantasmes révolutionnaires et qui grève toute la tradition républicaine d’illibéralisme. Il y aurait ainsi incompatibilité de la société des individus et de l’égalité. Pour Spitz, au contraire, la société de liberté est certes incompatible avec l’égalité des résultats, non pas avec l’égalité des chances. En réalité, il faudrait dire qu’elle n’est légitime et conforme à son propre projet que par cette égalité des chances. Or, ce que vise historiquement le projet républicain français contrairement au socialisme, c’est bien cette égalité de chances et non celle des résultats.
Tel est le sens de l’idée républicaine française, qui alors se présente comme une idée authentiquement libérale.
Qu’en est-il donc du concept d’égalité chez A. Esmein ? Il me semble que si l’égalité est bien le point nodal de la théorie d’Esmein – « le principe peut-être le plus fécond de tous » 42 –, ce dernier prend d’abord un soin tout particulier à le distinguer de l’égalité socialiste en sorte que ce serait lui faire là un bien mauvais procès que de penser qu’il pourrait avoir une autre conception de l’égalité que l’égalité de droit. Il rappelle donc tout d’abord son credo : « la société politique, nous l’avons dit, a pour but d’assurer le libre développement et le libre exercice des facultés individuelles ; mais par là-même, elle doit à chaque individu la même protection, c’est-à-dire les mêmes droits » 43. Autrement dit, elle doit bien garantir l’égalité de droit en ce que cette dernière est une condition de la liberté. « Sans remonter à l’état de nature, sans invoquer le contrat social ni le droit naturel, l’égalité se justifie suffisamment par le droit de l’individu à un libre développement » 44. Et de citer Sieyès, « deux hommes étant également hommes, ont, à un égal degré, tous les droits qui découlent de la nature humaine. Ainsi, tout homme a le droit de disposer de ses biens ou nul n’a ce droit »45 . C’est donc bien une égalité de droit, que la puissance publique doit sanctionner et non pas à une égalité de résultats. Cette dernière, si chère aux écoles socialistes, il la condamne explicitement : « l’égalité ne peut être qu’une égalité de droit et non pas une égalité de fait. Ceux qui veulent déduire de l’égalité de droit l’égalité de fait, c’est-à-dire le prétendu droit de chacun à des conditions de vie et de jouissances égales, méconnaissent par là même la liberté individuelle qui est la base même de la société » 46. Du reste, c’est sur l’autorité de Sieyès qu’il s’appuie sur ce point essentiel et non sur un prétendu niveleur révolutionnaire: « il existe, il est vrai de grandes inégalités de moyens parmi les hommes. La nature a fait des forts et des faibles ; elle départit aux uns une intelligence qu’elle refuse aux autres. Il suit qu’il y aura entre eux inégalité de travail, inégalité de produit, inégalité de consommation ou de jouissance; mais il ne s’ensuit pas qu’il puisse y avoir inégalité de droits », « devant la loi, un homme en vaut un autre ; elle les protège tous indistinctement » 47.
Mais ce n’est sans doute pas tout. L’égalité des chances ne se résout pas dans l’égalité de droit même si celle-ci est une condition de celle-là. Ce sont des dispositifs tels que les lois ouvrières, qui, à l’époque d’Esmein, peuvent être synonymes d’égalisation des chances entre le monde ouvrier et le patronat. Et que dit-il sur ces dispositifs ? Chez nous, « la force constitutionnelle de ces lois est certaine ». Les lois sur la sécurité des travailleurs ? « Ici sûrement aucune liberté n’est violée. Sans doute ces lois imposent aux chefs d’industrie des charges pécuniaires, parfois même un contrôle de la part des ouvriers. Mais personne ne soutiendra qu’ils ont le droit de se refuser à prendre les précautions nécessaires pour que le milieu où le travail s’accomplit présente le moindre danger possible » 48. Les lois sur les accidents du travail ? [ Elles ] ne me paraissent point non plus contraires à la liberté de l’industrie » 49. « J’en dirai autant, bien que la question soit plus délicate, de la contribution imposée aux patrons par certaines législations pour les assurances des ouvriers contre la maladie, ou pour les retraites ouvrières. Ce ne sont point des atteintes à la liberté de l’industrie » 50. Esmein sacrifie donc sans ambages la liberté individuelle, comprise comme non interférence, dont le contrat de droit privé était le cadre, à la liberté comme non-domination, cette dernière impliquant le rétablissement artificiel, par la puissance publique, de conditions d’égalité entre ouvriers et patrons.
Comment justifie-t-il cette rupture d’avec cent ans de Code civil ? A l’aide d’un raisonnement pleinement compatible avec les idées-forces de Fouillée. C’est simplement parce que le mouvement des idées valide de telles lois, qu’elles sont légitimes. « Ce mouvement [en faveur des lois ouvrières] est favorisé par l’influence sur les esprits cultivés de l’économie politique » et par ce sentiment peut être encore plus prégnant qu’auparavant, que « nos grands pères appelaient sensibilité », et qui est « le désir d’épargner aux hommes les souffrances inutiles » 51.
« Il est d’ailleurs assez vain de s’appesantir sur la légitimité de lois semblables. Elles sont, comme je le disais, un produit naturel de la grande industrie, des relations purement économiques qu’elle établit entre patrons et ouvriers, le plus souvent inconnus les uns des autres, dominés les uns et les autres par les fluctuations du marché. Ce qui le montre bien, c’est qu’il y a là une législation qui n’est point propre à un pays isolé, mais qui s’étend partout où à pris racine la civilisation moderne, identique en elle-même malgré la diversité des faits ». Il n’y a donc pas ici chez Esmein d’autres explications et justifications à trouver que le mouvement historique des idées, qui s’impose dans l’ordre politique par le biais de lois et qui sont des idées-forces structurées par et structurant le développement industriel.
En fait, sur ce point, comme sur tous les autres fondements de sa théorie constitutionnelle, Esmein non seulement se distinguait des tenants de la philosophie libérale classique mais de plus il prenait la peine, chaque fois qu’il le pouvait, d’expliquer les divergences d’avec ces derniers ! Il suffit de le lire ! A n’en pas douter, il incarne un moment républicain de la doctrine publiciste en compagnie de ses collègues de la faculté de droit de Paris Ferdinand Larnaude ou Henry Berthélémy pour ne citer que les plus connus. Cependant, à mon sens, cette dernière n’a jamais été en position de monopole sur le territoire français. Loin de là ! Mais elle a toujours réussi à faire entendre une petite voix discordante de celle des tenants de la philosophie libérale classique, quand l’occasion politique s’en présentait.
Recibido el 30 de septiembre de 2013 y aceptado el 26 de octubre de 2013.
* Ma�tre de conf�rences en Sciences politiques. Universit� de Paris I, Panth�on-Sorbonne (France).
NOTAS
1 J. G. A. Pocock, The Machivellian Moment. Florentine Political Thought and the Atlantic Tradition, Princeton, 1975.
2 Par exemple: Q. Skinner, Liberty before Liberalism, Cambridge, 1999.
3 P. Pettit, Républicanisme, une théorie de la liberté et du gouvernement, Paris, Gallimard, 2004.
4 S. Hazareesingh, Intellectual Founders of the Republic: Five studies in Nineteenth Century Republican Political Thought, Oxford, 2002.
5 G. Sacriste, La République des constitutionnalistes, Paris, Presses de science po, 2011.
6 Par exemple: G. Sacriste, « Adhémar Esmein en son époque. Un légiste au service de la République » in P.-H. Prélot (Dir.), Le droit constitutionnel d’Adhémar Esmein, Montchrestien, 2009, p. 8-42.
7 Voir par exemple J. Boudon, « Une doctrine juridique au service de la République ? La figure d’Adhémar Esmein », Historia et ius. Rivista di storia giuridica dell’età medievale e moderna. www.historiaeetius.eu - 2/2012 – paper 1.
8 Adhémar Esmein, Eléments de droit constitutionnel français et comparé, Sirey, 6è édition, 1914
9 P.-H. Prélot, « Esmein ou le droit constitutionnel comme droit de la liberté », in S. Pinon et P.-H. Prélot (Dir.), Le droit constitutionnel d’Adhémar Esmein, Montchrestien, 2009, p. 111-133.
10 Sur les risques d’une telle approche: Q. Skinner, « Meaning and Understanding in the History of Ideas », History and theory, Vol. 8, 1969, p. 3-53.
11 Voir par exemple R. Rorty, « The historiography of philosophy: four genres », in R. Rorty, J. B. Schneewind, Q. Skinner, Philosophy in History. Essays on the Historiography of Philosophy, Cambridge University Press, 1984, p. 49 et ss.
12 Sur tous ces points, on se permet de renvoyer à G. Sacriste, La République des constitutionnalistes, op. cit.
13 V. Valentin et A. Laurent, Les penseurs libéraux, Paris, Les belles Lettres, 2012, p. 12
14 J. F. Spitz, Le moment républicain en France, Gallimard, 2005.
15 J. F. Spitz, « La culture politique républicaine en question. Pierre Rosanvallon et la critique du « jacobinisme » français », Raisons politiques, nº 15 (2004), p. 111-124. P. Rosanvallon définit comme « illibérale » une culture politique qui disqualifie en son principe la vision libérale fondée sur l’autonomie de la société civile, le pluralisme et l’indépendance de l’individu par rapport à l’État in P. Rosanvallon, « Fondements et problèmes de l’illibéralisme français », in Thierry de Montbrial, La France du nouveau siècle, Paris, PUF, 2002, p. 85-95.
16 J. F. Spitz, Le Moment républicain…, p. 31.
17 J. F. Spitz, Le Moment républicain…, p. 117.
18 S. Rials, « La droite ou l’horreur de la volonté », Le débat, nº 33 (1985), p. 34-48.
19 Adhémar Esmein, Éléments de droit constitutionnel français et comparé, Sirey, 6è édition, 1914, p. 542.
20 Idem, p. 279.
21 J. F. Spitz, Le Moment républicain…, p. 116.
22 A. Esmein, Éléments…, p. 285.
23 Idem, p. 542.
24 Idem, p. 542.
25 A. Esmein, Éléments…, p. 49.
26 Ibidem, p. 49 et « L’autorité publique, la souveraineté ne doit jamais être exercée que dans l’intérêt de tous: c’est ce qu’on atteste en lui donnant pour sujet une personne fictive, distincte de tous les individus qui composent la nation, distincte des magistrats et des chefs aussi bien que des simples citoyens », p. 2.
27 Ibidem, p. 542.
28 G. Burdeau, Traité de science politique, tome 6, LGDJ, 1987, p. 190, cité par V. Valentin et Alain Laurent, Les penseurs libéraux, op. cit., p. 58.
29 A. Esmein, Éléments…, p. 1126.
30 Ibidem, p. 21.
31 Ibidem, p. 562.
32 A. Esmein, Éléments…, p. 30.
33 Ibidem, p. 563.
34 J. F. Spitz, Le moment républicain…, p. 33. Voir également J.-F. Spitz, Philip Pettit. Le Républicanisme, Michalon, 2010, particulièrement p. 51 et ss.
35 J. F. Spitz, Le moment républicain…, p. 33.
36 A. Esmein, Éléments…, p. 45.
37 A. Esmein, Éléments…, p. 46.
38 A. Esmein, Éléments…, p. 54.
39 Ibidem, p. 55.
40 Ibidem, p. 57.
41 Ibidem, p. 57.
42 Ibidem, p. 1085.
43 Ibidem, p. 1086.
44 Ibidem, p. 545.
45 Ibidem, p. 1086.
46 Ibidem, p. 1086.
47 Ibidem, p. 1086-1087.
48 Ibidem, p. 1136.
49 Ibidem, p. 1136.
50 Ibidem, p. 1136.
51 Ibidem, p. 1137.
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