Revista Crítica de Historia de las Relaciones Laborales y de la Política Social


ISSN versión electrónica: 2173-0822


ESMEIN ET LE DROIT CANADIEN : UNE RENCONTRE MANQUÉE

Pierre ISSALYS*

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Pierre Issalys (2013): “Esmein et le droit canadien : une rencontre manquée”, Revista Crítica de Historia de las Relaciones Laborales y de la Política Social, n. 7 (diciembre 2013).

Résumé: Ce texte commente les mentions du droit canadien dans les Éléments de droit constitutionnel français et comparé, explique le désintérêt des juristes canadiens de l’époque pour cet ouvrage et signale que certains aspects de la Constitution canadienne, évoqués par Esmein, notamment la monarchie et le Sénat, font actuellement l’objet de débats judiciaires.

Key words: Adhémar Esmein, Canada, Constitution.

Abstract:This paper examines the references made to Canadian law in Esmein’s Éléments de droit constitutionnel français et comparé, explains the lack of interest in that book displayed at the time by the Canadian legal community, and points out that some aspects of the Constitution of Canada referred to by Esmein, including the Crown and the Senate, are currently before the courts.

Paroles clés: Adhémar Esmein, Canada, Constitution.

Bien qu’ils remontent à un peu plus d’un siècle, il n’est pas sans intérêt de revenir aujourd’hui sur les propos d’Adhémar Esmein à propos du droit public canadien. D’une part, en effet, ces propos témoignent de la curiosité de leur auteur à l’endroit des institutions politiques et de l’actualité constitutionnelle d’un nombre considérable de pays. Peu de juristes français de cette époque se sont documentés et ont écrit sur le droit public de ce qu’on appelait alors le dominion britannique du Canada, en dépit du regain des échanges entre la France et le Canada français dans le dernier quart du XIXe siècle. D’autre part, ces propos et l’accueil qu’ils ont reçu au Canada illustrent bien les difficultés de compréhension réciproque entre publicistes français et canadiens. Pour les Français, ces difficultés subsistent parfois aujourd’hui: ils ne tiennent pas complètement compte de ce que la France et le Québec sont séparés à la fois par la Manche et par l’Atlantique1. Pour les Canadiens-français de l’époque, ces difficultés tenaient à l’aversion qu’on leur avait inculquée à l’endroit de l’évolution politique de la France à compter de 1792.
Revenir sur les fragments de l’œuvre d’Esmein où il est question du Canada permet donc à la fois d’apprécier l’originalité et les méthodes de cet auteur et de comprendre pourquoi une possible rencontre entre publicistes des deux pays, à travers son œuvre doctrinale, n’a pas eu lieu. À ces deux motifs d’intérêt, d’ordre historique, s’ajoute une troisième raison de mettre en lumière ce que disait Esmein à propos du Canada au tournant du XXe siècle: cent ans plus tard, certains des aspects du droit constitutionnel canadien qui ont retenu son attention font l’objet de vifs débats et de décisions judiciaires. D’où les trois thèmes abordés successivement dans le présent texte: l’intérêt d’Esmein pour le droit canadien (I), le désintérêt des juristes canadiens pour l’œuvre d’Esmein (II) et l’intérêt actuel, en droit constitutionnel canadien, de certaines des questions évoquées par Esmein (III).

1. L’intérêt d’Esmein pour le droit canadien
L’attention portée par Esmein au droit public canadien est singulière parmi les juristes français de son temps. Elle participe de la vaste culture juridique d’un homme qu’on imagine, à partir de son œuvre, en lecteur méthodique de la doctrine, à l’affût des informations politiques et judiciaires diffusées par les meilleurs journaux. Certes, dans cet abondant réservoir de connaissances, le Canada ne compte que pour une part très modeste. Il convient de prendre d’abord la mesure de cette part, avant de distinguer quels sont les éléments du droit canadien auxquels Esmein a eu recours pour étayer le développement de sa pensée.

1.1 Le droit canadien dans l’œuvre d’Esmein
Le recours d’Esmein au droit canadien s’inscrit en effet dans le dessein général de son œuvre en matière de droit public: construire une légitimation théorique des caractéristiques du régime constitutionnel qui s’instaure et s’installe en France dans le dernier quart du XIXe siècle – la république parlementaire. Ce travail de légitimation reflète les préférences idéologiques de la moyenne bourgeoisie libérale, qui consolide son rôle dominant à cette époque en France. Il privilégie la liberté comme valeur éminente et objectif cardinal de l’aménagement constitutionnel d’une société politique. Imprégnée d’histoire, la démonstration prend appui, certes, sur l’héritage des deux premières républiques qu’a connues la France, mais avant tout sur la tradition constitutionnelle anglaise. C’est dans la mise en valeur de cette tradition, mise en valeur nourrie par l’étude des grands auteurs anglais et américains depuis Locke jusqu’à Woodrow Wilson, qu’Esmein a été amené à s’intéresser à l’évolution juridique des dominions – principalement l’Australie, mais aussi le Canada. Pour saisir l’apport du droit canadien à la démonstration d’Esmein, il s’impose de recenser les mentions qu’il en fait dans son œuvre, de relever les sources auxquelles il se réfère et d’observer la méthode selon laquelle il exploite ces sources.

1.1 a) Les mentions du droit canadien
Il semble que le droit constitutionnel canadien ait été évoqué pour la première fois par Esmein dans l’article «Deux formes de gouvernement», qui figure en tête de la livraison inaugurale de la Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, en 18942. Cet article développe l’idée que les principes du gouvernement représentatif, «sous sa forme classique, tel que l’exposaient les publicistes anglais dans la première moitié [du XIXe] siècle»3, subissent dans certains pays de dangereuses altérations, sous l’influence de l’idée de démocratie directe. Esmein critique ces altérations: suppression de la deuxième chambre du parlement, mandat impératif, référendum, enfin scrutin proportionnel. Comme exemple de la première de ces innovations, Esmein cite le cas de trois provinces canadiennes.
Notre auteur a par la suite repris cette observation dans son principal ouvrage, les Éléments de droit constitutionnel français et comparé4, qui évoque par ailleurs plusieurs caractéristique de l’aménagement constitutionnel du Canada. Ces mentions sont apparues en deux temps: les unes dès la première édition des Éléments (1896), les autres à compter de la troisième (1903). Elles sont toutes localisées dans la première partie de l’ouvrage, consacrée à l’exposé des principes et des institutions caractéristiques d’un régime constitutionnel ordonné à la liberté des citoyens. La majorité d’entre elles surviennent au fil de l’exposé des «institutions et principes fournis par le droit de l’Angleterre»5; les autres s’inscrivent dans l’exposé de la «théorie des constitutions écrites»6. Ces deux rattachements laissent déjà comprendre à quels titres le droit constitutionnel canadien a pu intéresser l’auteur des Éléments: rattaché historiquement au droit anglais, dont Esmein fait le prototype du régime représentatif, il est en partie codifié sous la forme d’un texte constitutionnel octroyé en 1867 par le Parlement britannique.
Ces mentions, toutefois, ne sont précisément que cela: mises bout à bout, elles ne rempliraient que quelques pages dans un ouvrage qui, au fil des cinq éditions réalisées du vivant d’Esmein, passe de 750 à 1150 pages. Le droit constitutionnel canadien fournit davantage la matière d’illustrations occasionnelles du propos de l’auteur qu’il ne fait l’objet d’étude et de commentaire pour son intérêt intrinsèque.

1.1 b) Les sources canadiennes citées
Ces différentes mentions du droit canadien s’appuient sur un nombre très réduit de sources. Il n’est fait aucune référence aux textes constitutionnels eux-mêmes, ni à leur développement jurisprudentiel, déjà considérable à la fin du XIXe siècle. En définitive, les observations d’Esmein sur le Canada s’appuient essentiellement sur un seul ouvrage de droit constitutionnel, qu’il cite quatre fois, dont une pour le contredire7. L’étroitesse de cette base documentaire surprend à plus d’un titre. Elle s’accorde mal, d’abord, avec les habitudes de l’auteur dans ses travaux historiques, où il se montre soucieux d’étudier attentivement les sources primaires. Elle contraste par ailleurs, au sein même des Éléments de droit constitutionnel français et comparé, avec le traitement plus rigoureux du droit constitutionnel américain et australien. Enfin, elle ne semble pas refléter l’état des ressources documentaires auxquelles Esmein aurait pu avoir accès à Paris à l’époque où il y rédigeait les éditions successives de ses Éléments8. Le caractère sommaire de la recherche effectuée par Esmein à propos du droit canadien explique sans doute qu’il n’ait accordé au Canada qu’une place très modeste dans ses considérations sur le gouvernement parlementaire. Il faut le regretter car, comme on le verra plus loin, un examen plus approfondi lui aurait évité certaines erreurs d’appréciation et aurait enrichi sa perspective historique sur l’évolution du parlementarisme hors d’Europe.

1.1c) L’exploitation des sources
La richesse et la force démonstrative des Éléments de droit constitutionnel français et comparé tiennent en grande partie au traitement historique du sujet. Encore aujourd’hui, on ne peut qu’admirer la connaissance détaillée et la compréhension fine qu’avait Adhémar Esmein de l’histoire constitutionnelle de la Grande-Bretagne. Témoin d’une phase particulièrement mouvementée de cette histoire constitutionnelle, Esmein en relate et analyse les événements en prenant appui sur la presse et les débats parlementaires, et donne ainsi à l’ouvrage une vivacité inattendue. Sans doute faut-il chercher là l’une des explications du succès de l’ouvrage auprès de ses lecteurs étudiants.
De même, on doit saluer la qualité du traitement historique du droit constitutionnel des États-Unis et de l’Australie. Dans le cas de ce dernier pays, Esmein accorde également une place importante aux événements entourant la naissance de la Constitution fédérale de 1900. Certains passages laissent penser que c’est à l’occasion de séjours en Grande-Bretagne qu’Esmein a pu se documenter, non seulement sur l’histoire et l’actualité constitutionnelles de ce pays, mais aussi sur celles de l’Empire britannique, des dominions et des États-Unis. Il semble toutefois qu’il ait négligé de s’intéresser de plus près au cas canadien. Il est vrai que le Canada, alors en phase de développement économique accéléré, connaissait en revanche une période de relative stabilité en matière constitutionnelle9. Fils aîné plutôt docile et rangé, le Canada est sans doute apparu à Esmein comme l’un des membres moins intéressants de la famille impériale britannique…
Mais autre chose encore – un obstacle d’ordre méthodologique – peut expliquer l’intérêt très limité accordé par Esmein au droit constitutionnel canadien. L’exposé des principes et des institutions de l’Angleterre, dans la première partie des Éléments, s’appuie essentiellement sur des auteurs. Ceux-ci chevauchent les champs respectifs du droit constitutionnel et parlementaire et de la science politique (Dicey, Bagehot, Todd, Anson, Brougham, May…) et appartiennent évidemment pour la plupart à l’époque victorienne. Les citations de sources primaires sont peu fréquentes dans cette partie du texte ; la jurisprudence, en particulier, est pratiquement ignorée, sauf à travers ce qu’en disent les auteurs. La fréquentation d’écrits relatifs aux institutions de la Grande-Bretagne, non plus que sa connaissance directe de ce pays, ni même sa sensibilité d’historien aux sources primaires, n’ont pu transformer Esmein en common lawyer: sa méthode reste celle d’un juriste de culture romano-germanique. Or, cette méthode était singulièrement inadaptée à la saisie du droit constitutionnel canadien de l’époque.
Certes, un juriste aussi averti que l’était Esmein de l’évolution et des principes du droit public anglais aurait franchi sans difficulté et avec profit l’étape liminaire de l’analyse de l’Acte de l’Amérique du nord britannique de 186710. S’il s’était livré à cette analyse, d’ailleurs, il aurait constaté la transformation de diverses conventions et règles coutumières du droit anglais en règles de droit légiféré11. Mais au-delà, comme le montraient bien les études, compilations et commentaires publiés au Canada dans le dernier tiers du XIXe siècle, ce juriste devait s’enfoncer dans le maquis de la jurisprudence constitutionnelle12. C’est à ce prix seulement qu’il pouvait accéder à une intelligence réelle du droit public propre au doyen des dominions britanniques. Faute d’avoir pu ou souhaité aborder ainsi le droit canadien sur son terrain propre, Esmein a dû se borner à des observations souvent sommaires ou tributaires du point de vue d’autres observateurs.
Il convient maintenant de dresser le bilan des observations de notre auteur à propos du droit canadien dans les Éléments de droit constitutionnel français et comparé.

1.2. Les observations d’Esmein sur le droit canadien
On peut regrouper les mentions du droit canadien dans les Éléments autour de quatre thèmes: la qualification des formes d’État, le fédéralisme et sa manifestation dans le bicaméralisme, le gouvernement parlementaire, et enfin l’appartenance du Canada à l’Empire britannique.

1.2a) La qualification de l’État canadien
Décrivant, dans l’introduction des Éléments, les différentes formes d’État, Esmein cite le Canada comme exemple de «république fédérative»13. Il invoque à l’appui de cette qualification l’autorité du juriste canadien Munro14; celui-ci en aurait probablement été fort étonné, tout comme la plupart de ses compatriotes, même si sa présentation du contenu de la Constitution de 1867 ne met guère en évidence le rôle de la Couronne. Il est vrai que selon Esmein, celles des monarchies constitutionnelles où «la nation, reconnue souveraine et agissant en cette qualité, associe un monarque à sa souveraineté […] se rapprochent beaucoup de la république»15. À ce compte, l’Angleterre elle-même peut être confondue avec une république16. Cette lecture républicaine de la Constitution de 1867 facilitait sans doute l’intégration du cas canadien dans la théorie générale des constitutions proposée par Esmein dans les Éléments. Comme on le verra plus loin, elle ne cadrait guère avec la compréhension des contemporains: la doctrine juridique canadienne dominante, particulièrement celle de langue anglaise, voyait dans le caractère monarchique du régime politique un élément essentiel du rattachement au droit public anglais. Mais surtout, cette occultation de la Couronne, expression juridique de la souveraineté de l’État dans un système de droit anglais, conduit Esmein à faire l’impasse sur des éléments hautement significatifs du droit constitutionnel canadien, comme on le verra également dans la suite.
Réitérant, dans la 3e édition des Éléments, la qualification du Canada comme «république fédérale» et «république coloniale», Esmein estimait que la désignation dominion n’était qu’un habillage formel «qui ne [jure] pas trop ouvertement avec la constitution monarchique»17. En revanche, un autre passage apparu dans cette édition esquisse une vision beaucoup juste des choses en rappelant que «[d]ans toute l’étendue des possessions anglaises, en droit, la souveraineté appartient au Roi-Empereur […]. C’est par une concession du souverain, qui est analysée par les auteurs anglais comme une délégation, que les colonies anglaises, telles que le Canada et l’Australie, ont pu recevoir cette liberté politique si complète, cette indépendance presque absolue, dont elles jouissent».18 Pour déterminer les effets de cette «délégation», non pas tellement sur les rapports entre le «mandant» et ses «mandataires», mais plutôt sur la structure interne, fédérative, du «mandataire», il était indispensable de disposer d’une théorie de la Couronne.
Cette théorie, la jurisprudence relative à la Constitution canadienne en avait déjà fait application en contexte d’État fédératif au moment où Esmein a entrepris la rédaction des Éléments. Un premier pas décisif a été franchi en 1883 par un arrêt qui a expressément écarté la thèse d’une délégation de pouvoirs par le Parlement impérial en faveur de ceux du Canada et de ses provinces au moyen de la Constitution de 186719. Un second arrêt de 1892 a développé les conséquences du premier en énonçant que le Pouvoir exécutif d’une province canadienne tient lui aussi directement son autorité de la Couronne20. Cette jurisprudence faisait donc de la Constitution de 1867 une lecture conforme à la théorie du fédéralisme21. Elle posait ainsi la question de la divisibilité de la Couronne. Théoriquement unitaire, la représentation de la Couronne a dû être adaptée par une longue et sinueuse évolution jurisprudentielle aux réalités du fédéralisme – et à la transformation de l’Empire en Commonwealth22.
Esmein paraît donc avoir sous-estimé, dans son approche du droit canadien, le rôle qu’y jouait et qu’y joue encore la Couronne comme point d’appui d’une souveraineté fractionnée et de pouvoirs démultipliés. En voulant voir dans les faits une république sous le voile formel d’une monarchie, il aura perdu de vue le caractère de fiction opérante qui s’attache à la Couronne en droit anglais. La source de cette erreur d’appréciation se trouve peut-être dans ce passage où il affirme que «[l]es nations d’Amérique ont presque exclusivement imité les États-Unis» pour s’inspirer, par leur intermédiaire, des principes du droit constitutionnel anglais et ajoute en note:«Même le Canada.»23. Esmein s’en est ici imprudemment remis à Dicey, dont le célèbre ouvrage de droit constitutionnel contenait la même affirmation à propos du Canada24. Fermement démentie par les concepteurs et les premiers commentateurs de la Constitution de 1867, cette thèse relève de l’erreur de perspective qui conduisait souvent – et conduit encore parfois – les observateurs européens, Britanniques compris, à assimiler trop rapidement les cultures juridiques canadienne et américaine, sur la base de la proximité géographique.

1.2b) Fédéralisme et bicaméralisme
Le second thème des observations d’Esmein à propos du Canada concerne le fédéralisme et la place particulière qu’occupe dans l’État fédératif la seconde chambre, dont a vu plus haut qu’il considère l’existence comme un élément essentiel d’un véritable gouvernement représentatif. Il n’échappe pas à Esmein que le caractère fondamentalement coutumier du droit public anglais ne permet pas d’en faire, sous cette forme, l’assise unique du régime juridique d’un empire colonial. Le cadre constitutionnel dans lequel sont gouvernées des colonies de la Grande-Bretagne doit nécessairement être en partie codifié25. Cette contrainte s’impose doublement si l’État colonial doit revêtir une forme fédérative, puisque le fédéralisme implique un partage suffisamment précis de la souveraineté entre au moins deux ordres de collectivités étatiques. Relatant, à compter de la 3e édition des Éléments, l’émergence d’une fédération de colonies en Australie, Esmein observe qu’elle se produit là de manière «plus pacifique encore» qu’au Canada26. Par cette discrète allusion, il se révèle conscient de ce que la violence n’a pas été étrangère à l’évolution constitutionnelle du Canada. Ainsi, la menace d’une invasion américaine a précipité le rapprochement politique des colonies britanniques de l’Amérique du nord à compter de 1864. Mais la Constitution de 1867 visait plus encore à sceller définitivement l’échec du soulèvement armé de 1837-1838 contre la domination britannique et pour l’instauration d’une république. À l’époque d’Esmein, ce courant républicain était trop marginal pour retenir l’attention d’un observateur éloigné. Cependant, comme on le verra plus loin, il a subsisté et l’on redécouvre aujourd’hui la place de ce courant dans l’histoire des idées politiques au Canada.
Esmein ne pouvait en revanche rester inattentif à la combinaison et à la conciliation du fédéralisme et du gouvernement parlementaire. Il constate d’ailleurs que le Canada a servi de banc d’essai en la matière27. Le caractère fédératif d’un État fournit une justification particulière à l’existence d’une seconde chambre au sein du parlement fédéral: celle-ci permet alors la représentation des entités fédérées28. La logique du fédéralisme, conçu comme la réunion de collectivités dotées de leur propre souveraineté, voudrait que cette représentation soit égalitaire, indépendante du poids démographique de chacune des collectivités, ainsi qu’on peut l’observer aux États-Unis et en Suisse. Sur ce point également, les conditions particulières d’émergence du fédéralisme au Canada ont donné au Sénat fédéral une composition irrégulière, qui a contribué à l’affaiblissement précoce de cette chambre dans le système politique fédéral29. Cet arrangement pragmatique, auquel Esmein ne s’est pas attardé, devient aujourd’hui un problème politique et constitutionnel majeur, comme on le verra plus loin.
Si le bicaméralisme, cher à Esmein qui y voit une caractéristique du «droit commun chez les peuples libres»30, s’impose particulièrement pour le gouvernement représentatif d’une fédération, il reste souhaitable pour celui des États fédérés; il sert alors à représenter la minorité possédante, à tempérer la toute-puissance du Pouvoir législatif, à introduire un tiers modérateur entre l’assemblée élue et le Pouvoir exécutif, et enfin à ménager un temps de réflexion pondérée dans le processus législatif31. Aussi Esmein reprend-il l’observation critique que contenait déjà son article de 1894 à propos des trois provinces canadiennes ayant rompu «l’accord presque unanime des pays civilisés» en supprimant la seconde chambre de leur parlement32. Rien n’indiquait pourtant – et rien n’a indiqué par la suite – que cette «déviance» par rapport aux modèles bicaméraux britannique, américain ou français compromette le bon fonctionnement du gouvernement parlementaire ou en infléchisse notablement la tendance générale favorable au renforcement du Pouvoir exécutif.

1.2c) Le gouvernement parlementaire
Esmein consacre quelque 65 pages des Éléments à décrire le fonctionnement et le développement du gouvernement parlementaire en Angleterre, notant d’entrée de jeu que les colonies anglaises dotées d’un parlement le pratiquent aussi33. Observant plus loin qu’en Angleterre le gouvernement parlementaire «échappe dans une large mesure à une réglementation légale» et «vit d’usages, de traditions, de conventions»34, il laisse supposer qu’il en va de même dans les dominions. Or, cette supposition n’était déjà plus valable qu’en partie à son époque: la transposition dans les dominions des institutions et des principes de la constitution anglaise a donné lieu à la transformation de diverses règles conventionnelles en dispositions constitutionnelles ou législatives. Esmein le constate parfois à propos de l’Australie35. Le droit constitutionnel canadien lui en offrait une série d’exemples à propos des diverses conventions et pratiques dont il expose le jeu et les origines en Grande-Bretagne.
Certes, la Constitution canadienne de 1867 demeure silencieuse sur des points essentiels, se bornant à renvoyer aux «principes» de la «constitution du Royaume-Uni»36. Elle ne mentionne ni les premiers ministres du Canada ou des provinces, ni le Cabinet fédéral, et ne consacre qu’une seule des règles qui constituent l’assise du gouvernement parlementaire (l’obligation pour le représentant de la Couronne d’exercer ses pouvoirs conformément à l’avis de son conseil)37. Le principe du «gouvernement responsable», entré définitivement dans la pratique constitutionnelle canadienne en 1848, correspond à la troisième des règles essentielles du gouvernement parlementaire énoncées par Esmein38. Bien qu’on puisse considérer qu’il fasse partie des principes de la constitution du Royaume-Uni et soit donc visé par le préambule de la Constitution de 186739, il est plutôt aujourd’hui rattaché au «principe démocratique» non écrit qui sous-tend l’ordre constitutionnel40. En revanche, certaines des conventions constitutionnelles et des règles de procédure parlementaire dont Esmein décrit le fonctionnement en Grande-Bretagne ont été exprimées au Canada par des dispositions constitutionnelles, dès 1840. C’est le cas de la convention réservant au gouvernement l’initiative des projets de loi prévoyant une dépense de fonds publics41 et de la règle exigeant que ces projets de loi, de même que les projets de loi fiscale, soient présentés en premier lieu à la chambre élective42. Quant au principe d’autorisation du budget, corollaire du principe du consentement à l’impôt consacré par le Bill of Rights de 1689, il a fait l’objet au Canada d’une disposition constitutionnelle à partir de 184043. En revanche, la thèse selon laquelle la chambre haute ne peut modifier les projets de loi de finances adoptés par la chambre basse est restée depuis 1867 au Canada ce qu’elle était encore en Grande-Bretagne au temps d’Esmein: une revendication de la Chambre des communes, à laquelle la chambre haute n’a pas formellement acquiescé44.
En faisant remarquer qu’à l’occasion de leur diffusion dans l’Empire britannique, les règles du gouvernement parlementaire changeaient de forme, Esmein a donc vu juste. Faute d’avoir pu analyser en détail la conversion, encore récente, de certaines de ces règles coutumières en dispositions constitutionnelles, il n’a pas été en mesure de décrire ou de prévoir les effets de cette conversion. Le cas canadien laisse penser que cette conversion n’a pas toujours eu un effet négatif complet: l’arrière-plan coutumier subsiste, même une fois codifié le contenu essentiel de la règle.

1.2d) L’appartenance à l’Empire
Au tournant du XXe siècle au Canada, cette persistance de règles coutumières anglaises, au-delà et autour des textes constitutionnels coloniaux, manifestait l’attachement à l’Empire. Cet attachement des populations se doublait d’un rattachement juridique au moyen de liens très explicites qu’Esmein n’a pas manqué de mettre et lumière et de commenter, et cela dès la première édition des Éléments.
Ainsi, il souligne d’emblée, en citant l’ouvrage de Munro, le fait que les lois canadiennes sont alors soumises à une exigence de compatibilité avec les lois anglaises applicables aux colonies45. Il va jusqu’à écrire que les parlements des dominions ne peuvent légiférer «contrairement aux principes essentiels des lois anglaises», propos imprécis et donc excessif. En fait, cette matière était régie depuis 1865 par une loi impériale dont, curieusement, Esmein ne fait aucune mention: le Colonial Laws Validity Act46. Ce texte établissait précisément l’étendue de l’autonomie des pouvoirs législatifs coloniaux. Il énonçait d’abord qu’une loi du parlement impérial postérieure à la réception du droit anglais dans une colonie ne s’appliquerait à cette colonie que si celle-ci y était expressément visée, ou du moins lorsque les termes de la loi obligeaient à conclure en ce sens. En cas d’incompatibilité entre une telle loi impériale et une disposition d’une loi coloniale, cette disposition serait privée d’effet. En revanche, les législateurs des colonies ayant reçu la Common Law du fait d’un peuplement d’origine britannique se voyaient reconnaître toute liberté, comme le Parlement impérial lui-même, de légiférer à l’encontre des règles de la Common Law. Le Parlement impérial conservait donc une compétence législative à l’égard des colonies, y compris celles qu’il avait lui-même dotées d’un parlement investi de larges compétences47. Cet état de choses s’est maintenu jusqu’en 193148. Cette souveraineté éminente conservée par le Parlement impérial comportait une compétence permanente à titre de constituant originaire à l’égard des colonies. La compétence juridictionnelle à l’égard des contestations nées de l’application de cette «législation constitutionnelle», comme de l’application de toute autre loi du parlement impérial, appartenait au Pouvoir judiciaire. Les tribunaux coloniaux étaient ainsi appelés à exercer un contrôle de constitutionnalité des lois coloniales. Or, comme l’explique Esmein, le droit métropolitain reconnaissait aux justiciables des colonies le droit de recourir, en dernier ressort, à une juridiction impériale ; celle-ci devenait de ce fait l’arbitre ultime du contentieux constitutionnel dans les colonies49. Comme on pouvait s’y attendre, les propos d’Esmein à propos du contrôle de constitutionnalité des lois trahissent une certaine perplexité, puisque l’existence d’un tel contrôle est alors jugée incompatible avec la souveraineté nationale en France et avec celle du Parlement en Grande-Bretagne même, tandis qu’elle répond parfaitement à l’idée de suprématie de la Constitution aux États-Unis. Tel qu’il se présente à l’époque d’Esmein, le cas canadien permet de faire droit, pour une part, à chacune des deux conceptions… La lecture des Éléments de droit constitutionnel français et comparé offrait donc à un juriste canadien l’accès à un vaste réservoir de connaissances, à propos notamment du droit public anglais, lui permettant de situer son droit national dans la constellation des «droits des peuples libres». Cette possibilité semble ne pas s’être matérialisée. Il convient maintenant de le constater et de tenter de l’expliquer.

2. Le désintérêt des juristes canadiens pour l’œuvre d’Esmein

La diffusion et la réception du livre d’Adhémar Esmein au Canada se heurtait évidemment dès le départ à un obstacle linguistique. Publié uniquement en français à destination d’un lectorat essentiellement français, il n’était accessible, au Canada anglophone, qu’à une petite élite cultivée parmi les professionnels du droit ou les universitaires intéressés par la science politique. Cet obstacle était par contre levé dans le cas du Québec, où l’ensemble des juristes, y compris la plupart des juristes anglophones, constituait un bassin potentiel de lecteurs. Mais les véritables difficultés auxquelles se heurtait la diffusion du livre étaient avant tout d’ordre idéologique: la réception d’un tel ouvrage, œuvre d’un tel auteur, était entravée par l’incidence des deux grands débats de l’époque au Canada, et particulièrement au Canada francophone: l’affrontement entre nationalisme canadien et impérialisme britannique et la question du rôle de l’Église catholique dans la société. Avant de montrer comment l’incidence de ces deux grands débats a fait largement échouer la rencontre des cultures juridiques à laquelle conviaient les Éléments, il est nécessaire de faire le point sur l’accessibilité matérielle de ce livre pour les juristes canadiens de l’époque.

2.1 La présence de l’œuvre d’Esmein au Canada
Faute d’avoir pu étudier le catalogue des librairies juridiques canadiennes à l’époque de la parution des éditions successives des Éléments, ce qui nous aurait donné un indice de la diffusion du livre dans le milieu des professionnels du droit, nous avons relevé la présence actuelle de ces diverses éditions dans les collections des grandes bibliothèques juridiques, administratives et publiques au Canada et au Québec. Nous avons présumé que ces bibliothèques avaient toutes comme politique de conserver pour un même titre, le cas échéant, les différentes éditions dont elles avaient acquis un exemplaire50.
Ce recensement révèle que 17 bibliothèques se partagent les 23 exemplaires des Éléments disponibles au Canada. Sept d’entre elles desservent un public québécois51; le public de huit autres se trouve dans les provinces de Common Law; les deux dernières sont celles d’institutions fédérales situées à Ottawa52. Sous le rapport de la diffusion géographique, il semble que la réception de cet ouvrage d’un auteur français ait touché également les publics francophone et anglophone. Ce constat se confirme si l’on considère le nombre d’exemplaires: 11 se trouvent au Québec, 10 au Canada anglophone et deux dans les bibliothèques fédérales.
Si l’on tient compte de la date d’édition, il est manifeste que la réception de l’ouvrage a été tardive: des 23 exemplaires, 15 appartiennent aux éditions posthumes revues par Henry Nézard, la 7e (1921) et la 8e (1927-1928), auxquels on peut ajouter un exemplaire de la 6e (1914, revue dans une mesure moins substantielle par Joseph Barthélemy) et deux exemplaires de la 6e édition réimprimée en 2001. Ne restent donc que cinq exemplaires appartenant aux premières éditions des Éléments, acquis vraisemblablement avant 1914. Aucun de ces exemplaires n’appartient à la 1e édition, intitulée on s’en souviendra Éléments de droit constitutionnel français.
De ces cinq exemplaires des premières éditions des Éléments de droit constitutionnel français et comparé, quatre ont été acquis par des universités anglophones. L’Université McGill (Montréal) possède les 2e et 5e éditions (1899 et 1909), l’Université Dalhousie (Halifax) la 2e et l’Université de l’Alberta (Edmonton) la 5e. Parmi les bibliothèques francophones, seule celle de l’Université Laval à Montréal (aujourd’hui Université de Montréal) a acquis la 4e édition (1906). Il est révélateur de constater que dans le catalogue de ces trois bibliothèques anglophones, l’ouvrage est d’abord classé sous la rubrique du droit constitutionnel anglais, et ensuite comme ouvrage de droit français. On peut donc estimer que c’est d’abord à titre d’ouvrage de droit comparé, et pour la richesse et l’originalité de sa présentation du droit constitutionnel anglais, que ces établissements anglophones ont acquis le livre d’Esmein. Quant aux 15 exemplaires acquis plus tardivement, il n’a pas été possible de préciser la date de leur acquisition. Il n’est pas invraisemblable de croire qu’elle se situe le plus souvent dans les années 1920, à une époque où le droit constitutionnel français était devenu celui d’une grande puissance victorieuse, dont le Canada était l’allié: une bibliothèque juridique respectable ne pouvait plus ignorer l’ouvrage canonique sur ce sujet.
Ces données n’ont bien sûr qu’une valeur probante assez limitée. Elles laissent néanmoins supposer une visibilité particulièrement faible des Éléments dans le milieu juridique francophone avant la Première Guerre mondiale53. Un retour sur les grands débats de cette époque permet peut-être d’expliquer ce constat.

2.2 L’œuvre d’Esmein, entre nationalisme et impérialisme
Esmein, on l’a vu, qualifiait le dominion du Canada de «république» fédérative, sans doute parce qu’il estimait que la souveraineté réelle, dans ce rameau de la monarchie britannique, appartenait à la collectivité de ses habitants. Il n’était ni le premier ni le dernier à faire ainsi une lecture «républicaine» de la monarchie constitutionnelle à l’anglaise54. Néanmoins, à l’époque, cette analyse se heurtait à la souveraineté éminente du législateur impérial, confirmée par les termes du Colonial Laws Validity Act de 186555. Esmein se plaçait ainsi entre l’arbre et l’écorce: dans le vif débat entre les tenants du nationalisme politique et juridique canadien et les partisans du renouveau impérialiste en Grande-Bretagne et dans les dominions, son propos, s’il était passé un peu moins inaperçu, aurait fait réagir de part et d’autre.
Ce propos d’Esmein s’inscrit parfaitement, par ailleurs, dans la démarche comparative et synthétique dont rend compte la première partie des Éléments, puisque cette démarche tend à dégager le socle commun des régimes constitutionnels de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis et donc à gommer les différences entre eux. Esmein n’aurait sans doute, à cet égard, aucune hésitation à se rallier au courant actuel de l’historiographie canadienne et québécoise, qui a remis en évidence l’appartenance du Canada et du Québec à un «espace politique nord-atlantique» formé à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle autour des trois pôles britannique, français et étatsunien56. Ce rattachement à un circuit transatlantique d’influences croisées conduit à réinterpréter le thème central de l’histoire des idées politiques au Canada. Ce thème avait jusqu’ici été décrit comme l’opposition entre un courant libéral, dédoublé plus récemment par un courant social-démocrate, et un courant conservateur, encore proche à certains égards de la première modernité. C’est aujourd’hui, cependant, l’opposition entre un courant libéral-conservateur, dominant voire hégémonique, et un courant républicain, marginal par moments, qui est mise en évidence57. La définition de la liberté représente l’une des lignes de partage entre ces deux courants. La pensée républicaine place au cœur de la liberté la participation active du sujet politique à l’exercice de la souveraineté collective. Or, un républicain, dans l’espace politique canadien, sera enclin à considérer que «[p]ar ses rites, ses symboles, ses pratiques et ses concepts dérivés de la féodalité anglaise, [la] monarchie empêche […] le peuple […] de se penser comme souverain»58.
Au tournant du XXe siècle, ce courant occupe cependant une place très marginale dans le discours public, pour des raisons différentes dans chacune des deux communautés linguistiques.
Dans la communauté anglophone domine un fort sentiment d’appartenance à la «britannicité», impliquant un loyalisme ostentatoire à l’endroit de la monarchie et une adhésion à une représentation très positive du droit anglais. Nourri par l’allégeance émotive à la personne de la reine Victoria, ce sentiment conduit à concevoir le destin et la réalité du Canada comme la reproduction à l’identique du modèle institutionnel de la Grande-Bretagne59. À la limite, il conduit à affirmer que le Canada n’a d’autre constitution que celle de la Grande-Bretagne, l’Acte de l’Amérique du nord britannique n’apportant à celle-ci que des retouches sur des points de détail60. Tantôt c’est le versant libéral de cette tradition constitutionnelle qui est mis en valeur – celui que, de son côté, Esmein appréciait particulièrement –: le souci de la liberté et de la propriété individuelles et le respect d’un ensemble de libertés fondamentales61. Tantôt l’éloge se porte sur le versant conservateur: le caractère coutumier de l’ordre juridique et politique, la sensibilité à une vision organique de la société62. Dans les deux cas, par ailleurs, on se complait à mettre en évidence la valeur civilisationnelle du droit anglais et son esprit de tolérance – manifesté notamment par la survie des institutions juridiques propres au Québec. Cette culture juridique dominante se prête donc très bien à la promotion de l’impérialisme britannique63. Celui-ci est perçu non pas comme une menace pour la spécificité canadienne, mais plutôt comme la projection des valeurs centrales de la culture juridique du pays.
Le mouvement en faveur de l’instauration d’une structure fédérative pour le gouvernement de l’Empire britannique connaît donc un certain succès au Canada anglophone64. Aux yeux de plusieurs, l’adoption du fédéralisme dans la Constitution canadienne de 1867 apparaît comme la préfiguration et la première étape d’un processus qui a vocation à englober à la fois les dominions et la métropole65. Un tel projet se heurte d’emblée à des questions délicates: le caractère égalitaire ou non des relations des dominions avec la métropole dans le cadre de cette fédération impériale, ainsi que les modalités de participation des entités fédérées aux instances communes.
En revanche, certains juristes anglophones, sans remettre en question l’appartenance du Canada à l’Empire, regimbent devant la subordination dans laquelle le droit canadien se trouve placé par rapport aux institutions métropolitaines. Non seulement la Constitution du pays demeure-t-elle formellement une loi du parlement impérial, qui pourrait en principe la modifier à tout moment sur proposition du gouvernement impérial, mais encore l’interprétation de cette Constitution, comme celles des lois fédérales ou provinciales, relève-t-elle en dernier ressort d’une juridiction impériale66. Bref, l’ordre juridique canadien n’apparaît pas comme véritablement autochtone67. L’insatisfaction devant ce constat amène un très petit nombre de juristes anglo-canadiens à souhaiter l’adoption, avec la participation du peuple, d’une constitution canadienne d’esprit républicain68.
Les juristes canadiens francophones de l’époque partagent en général le sentiment d’autosatisfaction de leurs homologues anglophones: un auteur comme Pierre-Basile Mignault peut écrire: «La constitution anglaise est la nôtre et nous ne pouvons songer à en changer. C’est à nous d’en tirer tout le parti possible et d’en faire un instrument pour le plus grand bien de notre pays.»69 Les francophones estiment en effet que le système fédératif instauré en 1867, s’il a échoué à garantir l’égalité des deux «peuples fondateurs» dans l’ensemble de la fédération, assure au moins la préservation, au Québec, de la langue, de la religion et des institutions propres aux Canadiens-français. Dans ce contexte, la déférence envers la monarchie et l’attachement au gouvernement parlementaire peuvent coexister avec l’aspiration au parachèvement de l’autonomie du Canada au sein de l’Empire70.
Certes, le Canada francophone a connu, au milieu du XIXe siècle, un puissant courant républicain71. Mais à l’époque d’Esmein, ce courant est très affaibli et ses adhérents se dispersent en fonction du clivage alors émergent, qui oppose les tenants du nationalisme canadien-français et les partisans, plus nombreux, d’un nationalisme pancanadien72. De part et d’autre de ce clivage, la IIIe République peut constituer pour certains une référence, notamment en raison de sa politique sociale; mais l’instabilité gouvernementale qui lui est associée nuit à son image73.
L’attitude des Canadiens-français de l’époque à l’égard de l’Empire britannique se caractérise par l’ambiguïté74. La vision impérialiste du monde, qui domine alors dans l’opinion publique des pays développés, colore cette attitude: le Canada français poursuit sa propre «mission civilisatrice», notamment par son prosélytisme religieux, dans le cadre de celle de l’Empire75. Le sentiment anti-impérialiste est donc en reflux. Se développe plutôt, à travers la pensée et l’action d’Henri Bourassa, une position de synthèse combinant libéralisme politique, conservatisme social, nationalisme pancanadien, anti-impérialisme et loyalisme monarchique76. Cette position politique se développe précisément au fil des années pendant lesquelles Esmein rédige et révise ses Éléments; elle ne survivra pas à la crise des relations entre anglophones et francophones à propos de la participation du pays à la Première Guerre mondiale77. Une adhésion partagée aux principes du gouvernement parlementaire n’aura pas suffi à faire entrer en résonance ce moment assez singulier de l’histoire des idées politiques au Canada et la théorie du gouvernement républicain à la française. L’obstacle majeur à un tel dialogue se situait dans la question des rapports entre l’Église et l’État.

2.3 L’œuvre d’Esmein, l’Église et l’État
Sur le terrain des rapports entre l’Église et l’État, les Éléments d’Esmein, fermement engagés dans la justification idéologique de la Constitution française de 1875, pouvaient être perçus au Canada comme une œuvre de combat plutôt que de simple conviction78. Cela non pas tant en raison du caractère de l’ouvrage lui-même, qui s’en tient à une démonstration historique de la logique interne du gouvernement parlementaire, mais en raison de la configuration des rapports entre l’Église catholique et l’État au Canada à cette époque. Une fois de plus, le destin d’un livre aura dépendu bien moins du sens que son auteur avait voulu y mettre que des significations que certains lecteurs auront été prédisposés à y trouver! Pourtant, les Éléments, jusqu’à leur 5e édition en 1909, n’abordent guère la question des rapports entre l’Église et l’État. Même aujourd’hui, en tenant compte de la longue analyse justificative de la législation de la IIIe République en ce domaine, ajoutée par Esmein cette année-là79, la position générale de l’auteur sur le sujet fait l’objet d’appréciations diverses et nuancées. Si ses convictions républicaines ne font pas de doute, et que la description «légiste de la République»80 résume bien son rôle et son influence dans les milieux politique et universitaire, et même au-delà, on leur accole une variété étonnante de qualificatifs. Leur registre s’étend de «laïc agnostique»81 à «catholiquerépublicain »82, en passant par «libre penseur, pas militant, plutôt tolérant»83,républicain détestant «l’esprit de secte»84, «libre penseur non hostile à la religion catholique»85 et «catholique et défenseur de l’État laïque»86. À ces appréciations relatives à la question religieuse s’ajoutent celles qui concernent l’ensemble de sa démarche intellectuelle: «esprit universel»87, mais aussi, un temps, acteur «universel» par son omniprésence88, affecté d’«anglomanie»89, enfin «le contraire d’un juriste inquiet»90. Cette image un peu floue, qu’Esmein lui-même a contribué à susciter en se décrivant simplement lui-même comme un «esprit libre» et un «bon citoyen»91 est peut-être, en définitive, parfaitement accordée au pragmatisme qui a présidé à la naissance de la IIIe République92.
Un tel pragmatisme n’avait à priori rien qui puisse desservir les Éléments aux yeux d’éventuels lecteurs canadiens. On peut même penser que des lecteurs anglophones ont pu y voir un aspect attrayant de l’ouvrage, lié à la présentation positive qu’il fait de la constitution anglaise. En revanche, la justification du régime républicain, et plus encore, dans les dernières éditions des Éléments, la justification des lois de la IIIe République en matière religieuse, ne pouvaient en général susciter qu’indifférence ou hostilité, particulièrement chez les juristes francophones.
Les rapports entre l’Église catholique et l’État colonial canadien, d’abord problématiques du fait de l’existence d’églises d’État en Angleterre et en Écosse, ont progressivement pris la forme d’une complicité, le pouvoir civil et le pouvoir ecclésiastique ayant trouvé avantage à se soutenir réciproquement93. Ce rapport de complicité s’est intensifié à compter des années 1840. L’échec du soulèvement antibritannique de 1837-1838, puis la mise en minorité des francophones dans l’espace politique, ont placé l’Église catholique en situation d’acteur social prééminent au sein de cette minorité. L’appui de l’Église a notamment facilité la mise en place de la Constitution de 1867. L’adhésion des juristes et des milieux d’affaires francophones au libéralisme, dans le dernier quart du XIXe siècle, n’a pas menacé l’emprise de l’Église sur la société canadienne-française, car ce libéralisme s’identifiait au modèle britannique, devenu tolérant à l’endroit du catholicisme, et non au libéralisme des pays latins, fréquemment associé à l’anticléricalisme94. Au contraire, les libéraux les plus classiques et les catholiques les plus intransigeants ont trouvé un point de parfaite convergence dans l’antiétatisme95. L’école comme l’usine devaient rester à l’abri de l’ingérence étatique. Libre entreprise et conservatisme clérical ont ainsi pu asseoir de concert une hégémonie durable dans l’espace social et politique québécois96.
Dans cette combinaison idéologique se manifestait, comme au sein d’autres populations catholiques, l’influence des préoccupations et des objectifs du courant ultramontain au sein de l’Église97. Cette tradition ultramontaine, diffusée notamment par les manuels scolaires de l’époque, diabolisait la Révolution française et, par extension, toute forme républicaine de gouvernement98. Suspecte à priori, la IIIe République fit l’objet d’un déchainement d’hostilité à compter de l’adoption des lois scolaires de Jules Ferry99. La France contemporaine fut regardée comme une terre de persécution; d’ailleurs, le Canada français accueillit entre 1880 et 1914 plusieurs milliers de religieux ayant quitté la France et dont la présence entretint cette hostilité envers la République100. Tentée de s’attribuer la succession de la France à son rang de «fille aînée de l’Église», l’Église canadienne n’en était pas moins tenaillée par l’appréhension que les idées républicaines, tant honnies, ne finissent par trouver audience au Canada français.
Au tournant du XXe siècle, en effet, on pouvait discerner par moments dans l’espace politique canadien, notamment au Québec, la présence d’un courant libéral plus radical. Après tout, même en Grande-Bretagne, un «nouveau libéralisme» arrivait au pouvoir à cette époque, porteur d’idées nouvelles sur l’interventionnisme étatique – en particulier en matière sociale. L’évolution parallèle de la politique sociale en France suggérait la possibilité de rapprochements entre le modèle libéral britannique et le modèle républicain français, souvent présentés jusque-là comme diamétralement opposés. Ce climat a sans doute facilité la relance passagère, dans les premières années du siècle, d’un mouvement de réformes affirmant sa sympathie pour le visage que donnaient à la République les radicaux français101. Malgré quelques succès limités, ce mouvement resta marginal. La réconciliation du Canada français avec la République devrait attendre que surviennent deux guerres mondiales et, au-delà, la progressive dislocation de l’emprise exercée par l’Église.

3. L’intérêt actuel de relire Esmein au Canada

L’histoire aura traité les Éléments d’Esmein avec une certaine ironie. La partie de l’ouvrage que l’auteur pouvait, en son temps, considérer comme la plus actuelle, celle relative au droit constitutionnel de la IIIe République, n’a plus aujourd’hui qu’un intérêt essentiellement historique. Inversement, la partie de l’ouvrage où fourmillent les détails historiques, celle consacrée à exposer les origines et les principes de la constitution anglaise, conserve un intérêt tout à fait actuel, et cela notamment dans un pays dont l’auteur a somme toute peu parlé: le Canada. Certes, l’intérêt durable et la portée des Éléments pour l’histoire de la pensée juridique et politique en France découlent de la juxtaposition et de l’interpénétration de ces deux volets de l’ouvrage. Mais d’un point de vue canadien ou québécois, la partie «vivante» des Éléments peut être rapprochée de débats constitutionnels très actuels.
Deux thèmes serviront à le montrer: d’une part, la place de la monarchie dans l’ordre constitutionnel canadien et, d’autre part, le bicaméralisme au sein du parlement fédéral. Ces deux questions font actuellement l’objet d’un contentieux constitutionnel.

3.1 La question de la succession royale
Cette question renvoie à des textes célèbres de l’histoire constitutionnelle anglaise, le Bill of Rights de 1688102 et l’Act of Settlement de 1700103. Esmein fait d’ailleurs une brève allusion aux dispositions de l’Act of Settlement relatives à la succession au trône104. Les dispositions de ces deux lois en cette matière ont pour objet d’exclure de la succession toute personne professant la religion catholique et tout membre de la famille régnante qui épouse une personne de religion catholique. En dépit de leur lien logique avec le fait que le monarque régnant soit d’office le chef de l’Église d’Angleterre, ces exclusions paraissent inconciliables avec les textes internationaux et nationaux prohibant la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse105. Paraissent également attentatoires aux droits fondamentaux la règle coutumière donnant priorité, dans l’ordre de succession, aux héritiers de sexe masculin sur une héritière plus âgée de même rang successoral, ainsi que les dispositions d’une loi du XVIIIe siècle subordonnant la validité du mariage de tout descendant du roi Georges III à l’autorisation préalable du monarque régnant, donnée en Conseil privé106.
Cet ensemble de règles législatives et coutumières régissant la succession au trône s’applique non seulement au Royaume-Uni, mais également dans tous les États membres du Commonwealth qui ont conservé une forme monarchique lors de la cessation du lien colonial et dont la Reine du Royaume-Uni est ainsi le chef d’État. Se pose donc également, dans ces autres royaumes, la question de la compatibilité de ces règles avec les droits et libertés fondamentaux consacrés par le droit interne ou international applicable dans chacun de ces pays. C’est notamment le cas au Canada, où ces règles paraissent inconciliables avec un texte constitutionnel, la Charte canadienne des droits et libertés, qui consacre le droit de chacun «à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment [celle] fondée sur […] la religion, le sexe […]»107.
Les gouvernements du Royaume-Uni et de ces autres États du Commonwealth ont donc convenu, en octobre 2011, de modifier de concert les règles de succession au trône prévues dans le droit interne de chacun, de manière à supprimer ces discriminations. En conformité de cet accord, le Parlement fédéral canadien a adopté la Loi de 2013 sur la succession au trône108. Celle-ci se borne à signifier l’assentiment du Parlement au contenu du projet de loi alors déposé devant le Parlement britannique en vue de modifier ces règles au Royaume-Uni, projet de loi qui est par la suite devenu la Succession to the Crown Act 2013109. Peu de gens au Canada trouveraient à redire au résultat visé par la loi fédérale. En revanche, la manière dont on a prétendu opérer cette modification fait l’objet d’une contestation constitutionnelle.
Cette contestation prend appui sur le dispositif complexe qui régit, depuis 1982, les modifications de la Constitution canadienne110. L’autorité constituante habilitée par la Loi constitutionnelle de 1982 à modifier la Constitution diffère en fonction de l’objet de la modification. Étant acquis que les règles de succession au trône font partie de la Constitution, il reste à savoir si, et dans quelle mesure, elles concernent «la charge de Reine», le «pouvoir exécutif fédéral» et «la constitution de [chaque] province». Dans le premier cas, la modification exige la participation des deux chambres du Parlement fédéral et de l’assemblée législative de chaque province; dans le second, une loi fédérale suffit; et dans le troisième l’assemblée législative de la province est habilitée à agir seule111.
La contestation récemment engagée par des particuliers devant les tribunaux québécois soutient que l’objet de la loi fédérale concerne «la charge de Reine», et que les parlements de toutes les provinces devaient donc participer à la modification. Le débat se présente sous un jour particulier au Québec. D’une part, en effet, le Parlement et le gouvernement du Québec n’ont jamais accepté la Loi constitutionnelle de 1982; celle-ci est néanmoins entrée en vigueur après que la Cour suprême du Canada ait estimé que les conventions constitutionnelles régissant avant 1982 la modification de la Constitution n’exigeaient pas un accord unanime des provinces112. D’autre part, l’institution monarchique suscite au Québec plus d’indifférence et d’agacement que d’appui; les accusations criminelles portées contre une récente titulaire de la fonction de lieutenant-gouverneur ont amoindri encore davantage le prestige de la Couronne113.
Ce débat comporte évidemment un enjeu politique: il remet en lumière le fait qu’au Québec et au Canada le peuple ne participe pas à l’exercice du pouvoir constituant114. Il appelle ainsi à s’interroger sur le caractère véritablement «républicain» qu’Esmein croyait pouvoir attribuer à une monarchie de type britannique115. Mais il renvoie aussi à des enjeux juridiques relatifs à la nature et aux pouvoirs de l’État québécois dans le régime fédératif canadien. Laisser les parlements des provinces complètement à l’écart d’une décision concernant la succession au trône remet en question le lien direct, reconnu à l’époque d’Esmein par la jurisprudence Hodge, entre la Couronne et les institutions de l’État québécois116. Or, comme l’ont fait remarquer certains auteurs, la Couronne est le principe organisateur de l’État, dans un régime constitutionnel fondé sur le droit anglais117. La Couronne est donc l’assise juridique sur laquelle repose l’exercice autonome et quotidien de leurs pouvoirs étatiques par les gouvernements, les parlements et les tribunaux des provinces canadiennes118. Cette modulation du principe monarchique en fonction de la logique du fédéralisme semble, à l’occasion de cette révision des règles de succession au trône, avoir été mieux comprise en Australie qu’au Canada119. Esmein, bon connaisseur de la Constitution australienne, l’aurait sans doute remarqué!

3.2 La question du Sénat
Ultime survivance du bicaméralisme au Canada, le Sénat fédéral fait l’objet d’un débat relatif à la compétence du Parlement fédéral pour modifier le régime de sa seconde chambre. Les propositions tendant à modifier la composition du Sénat, le mode de désignation de ses membres ou la durée de leur mandat sont presque aussi anciennes que le Sénat lui-même120. Peu d’entre elles ont abouti. Certes, la composition du Sénat a été modifiée, à différentes époques, pour tenir compte de l’adhésion ou de la création de nouvelles provinces; mais ces changements n’ont pas respecté la logique originaire121. Le mandat des sénateurs, viager à l’origine, a été soumis en 1965 à une limite d’âge. Le fait qu’ils soient désignés par le gouverneur général au nom de la Reine – donc en fait par le Premier ministre fédéral – a permis aux deux partis qui alternent au pouvoir depuis près de 150 de dominer tour à tour la seconde chambre.
Dès ses premières décennies d’existence, le Sénat s’est révélé peu apte à jouer le rôle auquel les «Pères fondateurs» l’avaient destiné: la protection des minorités religieuses et linguistiques et la défense des droits des provinces122. Même dans son autre rôle de «chambre de réflexion», sa crédibilité a été tôt compromise par le caractère très partisan des nominations et la complaisance du Sénat envers les gouvernements dont la couleur politique coïncidait avec la sienne123. À partir des années 1970, les habitants des provinces de l’Ouest, en particulier, s’élevèrent contre le caractère peu représentatif, à leurs yeux, du Sénat.
Estimant que le Parlement fédéral était habilité à agir seul pour modifier cet aspect de la Constitution, le gouvernement fédéral proposa en 1978 le remplacement du Sénat par une Chambre de la fédération, dont une moitié des membres auraient été désignés par les gouvernements des provinces, l’autre étant nommée par l’exécutif fédéral, dans les deux cas pour la durée d’une législature. La Cour suprême du Canada jugea cependant que le Parlement n’avait pas compétence pour altérer unilatéralement les «caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat pour assurer la représentation régionale et provinciale», puisque ces caractéristiques avaient déterminé l’adhésion de certaines des provinces au régime fédératif124.
La portée de cet avis de la Cour suprême est aujourd’hui incertaine, en raison des nouvelles règles de modification de la Constitution, introduites par la Loi constitutionnelle de 1982125. En ce qui concerne la seconde chambre, ces règles confèrent compétence au Parlement fédéral agissant seul «pour modifier les dispositions de la Constitution […] relatives […] au Sénat», sous réserve cependant des modifications «portant sur […] les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des sénateurs» ainsi que sur «le nombre des sénateurs par lesquels ne province est habilitée à être représentée et les conditions de résidence qu’ils doivent remplir», modifications qui doivent obtenir en outre l’accord des assemblées législatives de sept des dix provinces, représentant au moins 50% de la population du Canada126. Par ailleurs, le Parlement fédéral a toujours, en vertu de la Constitution de 1867, compétence exclusive pour légiférer sur «la modification, de temps à autre, de la constitution du Canada», mis à part un certain nombre de questions n’ayant pas trait au Sénat127.
Dans ce contexte nouveau, le gouvernement fédéral a estimé qu’il pouvait, au moyen d’une loi ordinaire, réaménager le régime du Sénat sans modifier la Constitution ou du moins sans être tenu de rechercher l’accord d’une majorité qualifiée de provinces pour le faire. Il a présenté au Parlement fédéral en 2006, 2007 et 2010 des projets de loi prévoyant la limitation à huit ans de la durée du mandat des sénateurs et instituant, pour les provinces qui souhaiteraient s’en prévaloir, un régime d’«élection consultative» permettant aux électeurs de la province d’indiquer une préférence pour un ou plusieurs candidats, préférence dont le Premier ministre fédéral «tiendrait compte» au moment de procéder à une nomination au Sénat128. Les aléas de la vie politique ont fait en sorte qu’aucun de ces projets de loi n’a pu être adopté. Leur conformité aux règles de modification de la Constitution a été par ailleurs très discutée129.
Réélu, cette fois avec la majorité absolue des sièges à la Chambre des communes, le gouvernement fédéral a présenté en 2011 un projet de Loi sur la réforme du Sénat qui fusionne, avec quelques différences, le contenu des projets antérieurs130. Cette initiative s'est heurtée à un contexte politique défavorable: certains sénateurs font l’objet d’accusations de fraude relativement à l’obtention d’allocations parlementaires. Elle s’est aussi heurtée, comme les précédentes, aux objections d’ordre constitutionnel de certaines provinces, qui estiment être en présence de modifications à la Constitution exigeant l’accord d’une majorité qualifiée d’entre elles. Ainsi, saisie par le gouvernement du Québec, la Cour d’appel du Québec a rendu un avis confirmant la nécessité, pour effectuer les modifications prévues au projet de loi fédéral, d’obtenir l’accord des assemblées de sept provinces représentant plus de la moitié de la population canadienne131. Avant même que soit rendu cet avis, susceptible d’appel à la Cour suprême du Canada, le gouvernement fédéral avait adressé à celle-ci sa propre demande d’avis132. Si la haute juridiction devait confirmer l’opinion de la Cour d’appel, la réforme du Sénat risque d’agiter encore longtemps les esprits.
Les questions de droit constitutionnel soulevées par la réforme du Sénat canadien, tout comme le débat autour de la modification des règles de succession au trône, auraient sans doute incité Esmein, s’il les avait connus, à approfondir sa réflexion sur les caractéristiques de la seconde chambre dans le parlement d’un État fédératif, sur la fonction et les attributs de la Couronne en droit public anglais, ou sur la rigidité des constitutions écrites. Peut-être l’auraient-ils amené à tempérer un peu son admiration pour le pragmatisme des constitutions à l’anglaise. Peut-être, sans se poser en donneur de leçons, aurait-il fait valoir plus fortement sa préférence pour les constructions systématiques et leur déploiement dans une constitution écrite133.
Le juriste québécois ou canadien qui, au début du XXIe siècle, aborde les Éléments de droit constitutionnel français et comparé éprouve un sentiment complexe de distance et de proximité tout à la fois.
Distance bien évidemment due avant tout au sujet principal de l’ouvrage: il s’agit de la Constitution de la France, de l’histoire constitutionnelle française, et même d’une Constitution bien précise, depuis longtemps révolue, celle de 1875, et des principes républicains sur lesquels elle repose. Distance également créée par la tonalité de l’ouvrage qui, s’il ne se détourne pas, au besoin, d’une analyse technique des textes, frappe surtout par la richesse des matériaux historiques et par la conviction affichée que la république parlementaire représente la forme la plus achevée de gouvernement d’une société soucieuse de liberté.
Pourtant, le fait que l’ouvrage soit ainsi daté, par son propos et par sa forme, n’empêche pas ce lecteur de se sentir proche de l’auteur de ces Éléments. Cette proximité tient sans doute à ce qu’il partage avec lui l’expérience d’une fréquentation du droit public anglais; à de nombreux endroits de l’ouvrage, il se retrouve ainsi en terrain familier, rendu attentif à maint détail que lui révèle l’érudition de l’auteur. Mais l’impression de proximité tient peut-être surtout à ce mouvement de curiosité et d’ouverture qui anime l’auteur et le conduit à traiter son objet en circulant dans l’espace aussi bien qu’en remontant dans le temps.
Les circonstances de la vie d’Esmein ne lui ont pas permis de franchir l’Atlantique pour vérifier sur place ses renseignements et ses intuitions. Les conditions intellectuelles et sociales de l’époque n’ont pas permis que son ouvrage trouve au Canada un accueil et une influence à la mesure de sa qualité. Il y a donc bien eu une rencontre manquée. Le projet scientifique qu’elle aurait pu nourrir demeure actuel: formuler la théorie juridique d’une constitution démocratique.

Recibido el 23 de diciembre de 2013. Aceptado el 26 de diciembre de 2013

* Professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, Québec pierre.issalys@fd.ulaval.ca. Article pour l’hommage à Adhémar Esmein. L’article arrivé en retard à la rédaction de la Revista europea de historia de las ideas políticas y de las instituciones públicas, nº 6 (nov. 2013), Estudios de Historia del Derecho constitucional, de Historia de las ideas políticas y de Historia de los modelos republicanos como racionalización democrática en homenaje a Jean-Paul-Hippolyte-Emmanuel-Adhémar Esmein (1848-1913), con ocasión del centenario de su muerte, 209 pp.

NOTAS

1 Selon l’éclairante formule de Pierre Savard, «Autour d’un centenaire qui n’eut pas lieu», p. 105 dans: Michel Grenon, L’image de la Révolution française au Québec, Hurtubise HMH, La Salle, 1989, à la p. 118.

2 T. 1 (1894), p. 15-41, à la p. 19.

3 Ibid., p. 17.

4 L’ouvrage prend ce titre à compter de sa 2e édition (Larose, Paris, 1899). La 1ere (Larose, Paris, 1896) s’intitulait Éléments de droit constitutionnel français. Nous référerons dans la suite à cet ouvrage par l’abréviation «ÉDC». Sauf mention contraire, nous viserons la 6e éd. (Librairie du Recueil Sirey, Paris, 1914), plus aisément accessible grâce à sa récente réimpression avec un avant-propos de Dominique Chagnollaud (Éditions Panthéon Assas, Paris, 2001).

5 Cet exposé forme le Titre premier de la Première partie de l’ouvrage, consacrée aux fondements historiques et philosophiques de la Constitution républicaine de 1875 («La liberté moderne. Principes et institutions») dans les institutions politiques de l’Angleterre et les principes proclamés par la Révolution française.

6 Cet exposé forme le cinquième et dernier chapitre du Titre II de la Première partie.

7 J. E. C. Munro, The Constitution of Canada, Cambridge University Press, Cambridge, 1889, cité aux ÉDC, 1ère éd., 1896, p. 7, 70 et 421. Ces références, de même qu’une quatrième apparue dans la 2e éd., 1899, p. 32, subsistent inchangées dans les éditions des ÉDC publiées du vivant d’Esmein.

8 Ainsi, les ÉDC citent à propos d’autres pays François-Rodolphe Dareste et P. Dareste, Les Constitutions modernes, 3e éd., Librairie maritime et coloniale Challamel, Paris 1910. Or, cet ouvrage contient, outre le texte de l’Acte de l’Amérique du nord britannique, 1867 (titre que portait à l’époque le principal texte constitutionnel canadien), une bibliographie d’ouvrages canadiens et britanniques, en anglais et en français, sur le droit constitutionnel du Canada. Cette bibliographie est certes incomplète: en sont notamment absents Dennis O’Sullivan, A Manual of Government in Canada, 2e éd., Stuart, Toronto, 1887; Edmond Lareau, Histoire du droit canadien, Périard, Montréal, 1889; William H. P. Clement, The Law of the Canadian Constitution, Carswell, Toronto, 1892; Alpheus Todd, Parliamentary Government in the British Colonies, 2e éd., Longmans Green, Londres, 1894; Gerald J. Wheeler, Confederation Law of Canada, Eyre and Spottiswoode, Londres, 1896; et Augustus H. F. Lefroy, The Law of Legislative Power in Canada, Toronto Law Book, Toronto, 1898. Néanmoins, l’exploitation de son contenu aurait permis à Esmein d’étayer davantage ses propos sur le droit canadien, quitte à devoir consulter les bibliothèques londoniennes.

9 En surface du moins. Sous la permanence des textes se poursuivait, quant au partage fédératif des compétences, le basculement progressif opéré par la jurisprudence en faveur des provinces, et s’esquissait, quant à l’organisation du Pouvoir exécutif, le vaste mouvement législatif de décentralisation fonctionnelle qui allait permettre, au XXe siècle, l’intervention de l’État dans l’économie.

10 Rappelons que cette loi du Parlement britannique (30-31 Vict., c. 3) forme toujours, sous le titre de Loi constitutionnelle de 1867 [L.R.C. (1985), App. II, n° 5], l’assise principale de la Constitution du Canada. Les textes constitutionnels, lois et décisions judiciaires canadiens cités dans la présente étude sont, à moins d’indication contraire, accessibles en ligne à: www.canlii.org

11 Ce constat, Esmein le formule en des termes généraux pour l’ensemble des dominions, mais ne le précise pas et n’en signale pas les éléments justificatifs dans le cas du Canada; voir: ÉDC, 1ere éd., 1896, p. 393; 6e éd., 1914, p. 567.

12 Esmein aurait cependant trouvé, parmi les sources signalées au répertoire des Dareste, précité, note 9, un matériau moins rébarbatif parce que plus ouvert à des considérations d’histoire et de théorie politique: le compte rendu des débats sur le projet de texte constitutionnel, en 1865, au Parlement de l’ancienne Province du Canada: Canada (Province), Parlement, Débats parlementaires sur la question de la confédération des provinces de l’Amérique britannique du nord, Québec, Hunter, Rose, 1865.

13 ÉDC, p. 7.

14 Précité, note 7. Le renvoi ne vise aucun passage précis de l’ouvrage de Munro.

15 ÉDC, p. 5 et 6.

16 Esmein cite en note à ce sujet des propos de Montesquieu et de Mably, auxquels on pourrait adjoindre celui de Rousseau, cité aux ÉDC, p. 292: lorsque le Gouvernement n’est que le ministre du Souverain, «alors la monarchie elle-même est république» (Du Contrat social, Gallimard, Paris, 1964, coll. Folio, Livre II, ch. VI, p. 202).

17 ÉDC, 3e éd., 1903, p. 12 (passage non repris dans les éditions subséquentes). Esmein citait en note un quotidien britannique qui, en 1901, affirmait l’impossibilité de convaincre les Canadiens ou les Australiens d’appeler leur pays un «Royaume»; dans le climat de l’époque, on le verra, une telle réticence aurait révélé, non pas un quelconque sentiment républicain, mais plutôt la volonté de rester complètement identifiés à la qualité de sujet britannique.

18 ÉDC, p. 10-11.

19 Hodge v. R., (1883) 9 A.C. 117 (P.C.), p. 132: «[T]he British North America Act […] conferred powers not in any sense to be exercised by delegation from […] the Imperial Parliament, but authority as plenary and as ample within the limits prescribed by [that Act] as the Imperial Parliament in the plenitude of its powers possessed and could bestow. Within these limits […] the local legislature is supreme […]». Les arrêts du Comité judiciaire du Conseil privé cites dans la présente étude sont accessibles en ligne à: www.bailii.org. La référence de l’arrêt Hodge dans cette banque est: [1883] UKPC 59.

20 Liquidators of the Maritime Bank v. Receiver-General of New Brunswick, (1892) A.C. 437 (P.C.), [1892] UKPC 34, p. 443: «[A] Lieutenant-Governor […] is as much the representative of Her Majesty for all purposes of provincial government as the Governor-General himself is for all purposes of the Dominion Government».

21 ÉDC, p. 6: «L’État fédératif […] fractionne la souveraineté. C’est un composé de plusieurs États particuliers dont chacun conserve en principe sa souveraineté intérieure, ses lois propres et son gouvernement».

22 Cette jurisprudence ne s’est fixée, quant à l’un des aspects les plus complexes du régime de la Couronne – l’immunité dont elle bénéficie à l’égard des lois ‒, que près d’un siècle plus tard: Alberta Government Telephones c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1989] 2 RCS 225, p. 270-275. Voir: Canada, Commission de réforme du droit, Le statut juridique de l’administration fédérale, Ottawa, 1985, p. 5-16, et Canada, Ministère de la Justice, La Couronne en droit canadien, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1992, p. 33-38.

23 ÉDC, p. 68 (2e éd., p. 32). Esmein cite de nouveau à l’appui Munro, précité, note 7, p. 2, reconnaissant toutefois que celui-ci formule «seulement une réserve»qui est en fait un démenti complet de cette thèse. Munro dresse d’ailleurs plus loin (p. 9-11) un tableau de quelques différences notables entre les constitutions du Canada et des États-Unis, la principale concernant l’attribution de la compétence législative résiduelle, point sur lequel la différence entre les deux pays s’est confirmée… mais en sens inverse de ce que les textes laissaient prévoir, par l’effet de l’interprétation judiciaire.

24 Albert Venn Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, 10e éd., Macmillan, Londres, 1965, p. 139 et 166. Dicey nuance toutefois dans une note (p. 166) son affirmation que la Constitution canadienne de 1867 est copiée “pour l’essentiel” de la Constitution américaine: il convient avec ses contradicteurs canadiens que la présence manifeste des institutions du gouvernement parlementaire justifie de considérer que, comme le déclare son préambule, la Constitution du Canada est «fondée sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni». Il reconnaît également (p. 152) l’importance de la différence entre les deux pays quant à la compétence législative résiduelle.

25 ÉDC, p. 567.

26 Ibid., p. 9.

27 Ibid., p. 12.

28 Ibid., p. 120.

29 Ibid., p. 135; Esmein cite à propos de cet affaiblissement un auteur américain qui n’en montre pas les causes. Non seulement les sénateurs canadiens ne sont-ils pas désignés par les gouvernements des provinces ni élus par leurs parlements ou leurs habitants (ils sont nommés par le Premier ministre fédéral), mais ils sont répartis par la Constitution en quatre blocs égaux attribués chacun à une province ou un groupe «régional» de provinces, auxquels s’ajoute une représentation particulière pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador et pour les territoires fédéraux (Loi constitutionnelle de 1867, précitée, note 10, art. 22). La représentation égalitaire des provinces a été écartée en 1867 à la fois parce qu’elle avait été source de conflits sous la Constitution «quasi unitaire» de 1840 et que le poids politique trop important des États dans la Constitution américaine était considéré comme l’une des causes de la récente Guerre de Sécession.

30 Ibid., p. 119.

31 Ibid., p. 121-126.

32 Ibid., p. 127. Esmein cite de nouveau Munro, son seul informateur canadien (précité, note 7, p. 5), dont l’ouvrage de 1889 n’était plus à jour. Non seulement l’Ontario et la Colombie-Britannique n’avaient plus eu de seconde chambre à compter de leur entrée dans la fédération, en 1867 et 1871 respectivement, et le Manitoba avait-il supprimé la sienne en 1876, mais le Nouveau Brunswick et l’Ile-du-Prince-Édouard avaient aboli les leurs en 1891 et 1893. À l’époque des Éléments, ne subsistaient au Canada que les Conseils législatifs de la Nouvelle-Écosse et du Québec, qui finiront par disparaître en 1928 et 1968. Quant à Terre-Neuve, la seconde chambre y fut abolie en 1934, bien avant l’entrée de cette province dans la fédération.

33 Ibid., p. 151. Esmein observe d’ailleurs plus loin (p. 251) que le gouvernement parlementaire fonctionne régulièrement et sans difficulté au Canada.

34 Ibid., p. 158.

35 Ibid., p. 1014.

36 Ces termes, évidemment fort imprécis, du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, précitée, note 10, pouvaient passer, à l’époque d’Esmein, comme l’expression d’une filiation par ailleurs manifeste. La jurisprudence leur reconnaît aujourd’hui des effets considérables, tout en englobant ces «principes» fondateurs dans un ensemble plus large de principes implicites de l’ordre constitutionnel canadien; voir l’arrêt New Brunswick Broadcasting, [1993] 1 R.C.S. 319, le Renvoi relatif à la rémunération des juges, [1997] 3 R.C.S. 3 et le Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217.

37 Loi constitutionnelle de 1867, précitée, note 10, art. 13 et 66. L’art. 63, aujourd’hui inopérant, énumérait les titres de certains ministres devant faire partie du Conseil exécutif, dans les cas de l’Ontario et du Québec, mais ne mentionnait pas le premier ministre. Quant au Conseil privé institué au niveau fédéral par l’art. 11, rien n’est précisé quant à sa composition.

38 ÉDC, p. 152 et 155. Le principe du gouvernement responsable exige que les ministres chargés de diriger l’action du Pouvoir exécutif conservent, collectivement et individuellement, à tout moment la confiance de la chambre élective du parlement, et soient donc responsables devant elle de leurs décisions et choix d’orientations. Sa mise en œuvre dans les colonies nord-américaines à compter de 1848 a marqué un tournant dans la politique coloniale de la Grande-Bretagne. Comme le signale Esmein (ÉDC, p. 9), le principe a été progressivement mis en œuvre, en pratique plutôt que par des textes, dans les colonies australiennes à compter de 1855, dans le cadre prévu par l’Australian Colonies Government Act 1850, 13-14 Vict., c. 59 (en ligne: http://foundingdocs.gov.au). Voir: Christian Blais, «Brève histoire du gouvernement responsable», Bulletin d’histoire politique, vol. 22, n° 2 (2014), p. 111-138.

39 Renvoi: Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753, p. 807.

40 Renvoi relatif à la sécession du Québec, précité, note 36, p. 254-255.

41Acte d’Union, 1840, 3-4 Vict. C. 35, L.R.C. (1985), App.II, n° 4 (en ligne: www.axl.cefan.ulaval.ca), art. 57; Loi constitutionnelle de 1867, précitée, note 10, art. 54 (fédération) et 90 (provinces); ÉDC, p. 156 et 215.

42 Acte d’Union, 1840, art. 57; Loi constitutionnelle de 1867, art. 53 (fédération) et 90 (provinces); ÉDC, p. 173.

43 Acte d’Union, 1840, art. 50 et 57; Loi constitutionnelle de 1867, art. 102, 106 (fédération) et 126 (provinces); ces dispositions confirment le pouvoir exclusif, longtemps contesté, des divers parlements de statuer sur l’affectation d’un fonds consolidé, institué pour chaque colonie sur le modèle de celui créé en Grande-Bretagne en 1787 et régi par le Consolidated Fund Act 1816, 56 Geo.III c. 98 et l’Exchequer and Audit Departments Act 1866, 29-30 Vict. c. 39. Ces textes britanniques ne reconnaissent qu’implicitement le pouvoir d’affectation de ce fonds par le Parlement. Ces lois, de même que les autres lois des Parlements anglais et britannique cités dans la suite de la présente étude sont accessibles en ligne: www.legislation.gov.uk.

44 Règlement de la Chambre des communes du Canada, art. 80(1) (en ligne: www.parl.gc.ca/ About/ House/ StandingOrders); voir Robert Marleau et Camille Montpetit, La procédure et les usages de la Chambre des communes, Chenelière/McGraw Hill, Montréal, 2000, p. 713-714.

45 ÉDC, 1ère éd., 1896, p. 421; 6e éd., 1914, p. 594.

46 28-29 Vict. c. 63. Voir sur cette loi Kenneth Wheare, The Constitutional Structure of the Commonwealth, Clarendon Press, Oxford, 1960, p. 58-88.

47 Par exemple, le parlement fédéral canadien, investi du pouvoir de légiférer pour «la paix, l’ordre et le bon gouvernement» du Canada: Loi constitutionnelle de 1867, précitée, note 10, art. 91.

48 Statut de Westminster de 1931, 22 Geo. V c. 4; L.R.C. (1985) App. II n° 27, art. 2 à 4.

49 ÉDC, p. 591 et s. Ainsi, c’est cette instance, le Comité judiciaire du Conseil privé, qui a rendu les arrêts cités aux notes 19 et 20. Voir au sujet du Comité: Luc Huppé, Histoire des institutions judiciaires du Canada, Wilson & Lafleur, Montréal, 2007, p. 332-337, 424-427, 501-505, 515-516, 521-524.

50 Supposition peut-être hasardeuse, car de fait cinq seulement des 17 bibliothèques ayant les Éléments à leur catalogue en possèdent plus d’une édition.

51 Ce groupe comprend, outre les bibliothèques situées au Québec, celle de l’Université d’Ottawa (Ontario), dont la Faculté de droit comprend une section francophone où est enseigné le droit du Québec.

52 Il s’agit de la Cour suprême du Canada et du ministère fédéral des Affaires étrangères et du Commerce international.

53 Les juristes francophones, ou du moins certains d’entre eux, avaient vraisemblablement accès à la bibliothèque juridique de l’Université McGill.

54 Walter Bagehot, The English Constitution (1867), Oxford University Press, Londres, 1968, coll. The World’s Classics, p. 44: «A Republic has insinuated itself under the folds of a Monarchy»; David Smith, The Republican Option in Canada, Past and Present, University of Toronto Press, Toronto, 1999, p. 18: «[I]n spite of appearances, constitutional monarchy is popular government, and since a republic is government based on popular will, constitutional monarchies are republics under another name».

55 Peter Oliver, The Constitution of Independence. The Development of Constitutional Theory in Australia, Canada and New Zealand, Oxford University Press, Oxford, 2005, p. 38-45.

56 Peter Smith, «The Ideological Origins of Canadian Confederation», Revue canadienne de science politique, vol. 20, n° 1 (1987), p. 3-29; Ian McKay, «The Liberal Order Framework: A Prospectus for the Reconnaissance of Canadian History», Canadian Historical Review, vol. 81, n° 4 (2000), p. 617-645; Linda Cardinal, «Le Québec et le monde atlantique», Bulletin d’histoire politique, vol. 17, n° 3 (2009), p. 17-28; Marc Chevrier, «La République de nulle part. Entre anti-républicanisme et pétromonarchie», L’action nationale, vol. 102, n° 4 (2012), p. 112-134.

57 Louis-Georges Harvey, «The First Distinct Society: French Canada, America and the Constitution of 1791», p. 125-146 dans: Janet Ajzenstat (dir.), Canadian Constitutionalism 1791-1991, Canadian Study of Parliament Group, Ottawa, 1991; Janet Ajzenstat et Peter Smith, «Liberal-Republicanism: the Revisionist Picture of Canada’s Founding», p. 1-18 dans: Janet Ajzenstat et Peter Smith (dir.), Canada’s Origins: Liberal, Tory or Republican?, Carleton University Press, Ottawa, 1997; Louis-Georges Harvey, Le Printemps de l’Amérique française. Américanité, anticolonialisme et républicanisme dans le discours politique québécois, 1805-1837, Boréal, Montréal, 2005; Elsbeth Heaman, «Rights Talk and the Liberal Order Framework», p. 147-175 dans: Jean-François Constant et Michel Ducharme (dir.), Liberalism and Hegemony. Debating the Canadian Liberal Revolution, University of Toronto Press, Toronto, 2009; Michel Ducharme, Le concept de liberté au Canada à l’époque des révolutions atlantiques, 1776-1838, McGill/Queen’s University Press, Montréal/Kingston, 2010; Charles-Philippe Courtois et Julie Guyot (dir.), La culture des Patriotes, Septentrion, Québec, 2012; Marc Chevrier, Louis-Georges Harvey et al., De la république en Amérique française, Septentrion, Québec, 2013.

58 Marc Chevrier, «Un républicain dans le siècle. André Laurendeau et l’idéal de la république», Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle, n° 10 (2000), p. 55-62, à la p. 61.

59 David Murray, «Law and British Culture in the Creation of British North America», p. 64-75 dans: Phillip Buckner et Douglas Francis (dir.), Canada and the British World: Culture, Migration, and Identity, University of British Columbia Press, Vancouver, 2006, p. 67.

60 Peter Price, «Fashioning a Constitutional Narrative: John S. Ewart and the Development of a “Canadian Constitution», Canadian Historical Review, vol. 93, n° 3 (2012), p. 359-381, à la p. 370.

61 Sylvie Lacombe, La rencontre de deux peuples élus. Comparaison des ambitions nationale et impériale au Canada entre 1896 et 1920, Presses de l’Université Laval, Québec, 2002, p. 67.

62 John Farthing, Freedom Wears a Crown, Kingswood House, Toronto, 1957.

63 Richard C.B. Risk, «A. H. F. Lefroy: Common Law Thought in Late-Nineteenth-Century Canada. On Burying One’s Grandfather», University of Toronto Law Journal, vol. 41, n° 3 (1991), p. 307-331, à la p. 318.

64 Sylvie Lacombe, précitée, note 61, p. 26, 67. Esmein évoque ce mouvement: ÉDC, p. 14-17.

65 Peter Price, précité, note 60, p. 371.

66 Ce n’est toutefois que dans les années 1930 que des juristes anglo-canadiens aux idées encore hétérodoxes, favorables à l’extension des compétences législatives fédérales, développeront une critique virulente de la jurisprudence constitutionnelle du Comité judiciaire du Conseil privé: Philip Girard, «British Justice, English Law, and Canadian Legal Culture», p. 259-277 dans: Phillip Buckner (dir.), Canada and the British Empire, Oxford University Press, Oxford, 2008, p. 272-273.

67 Ibid., p. 362-364, 372.

68 Wade Henry, «Severing the Imperial Tie? Republicanism and British Identity in English Canada, 1864-1917”, p. 177-186 dans: Colin Coates (dir.), Imperial Canada 1867-1917, Centre of Canadian Studies, Edimbourg, 1997.

69 Pierre-Basile Mignault, Manuel de droit parlementaire, Périard, Montréal, 1889, p. 32.

70 Damien-Claude Bélanger, «Thomas Chapais, loyaliste», Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 65, n° 4 (2012), p. 439-472.

71 Marc Chevrier, La République québécoise. Hommage à une idée suspecte, Boréal, Montréal, 2012, p. 27-30; Charles-Philippe Courtois, «Nation et république chez les Patriotes», p. 85-118 dans: Charles-Philippe Courtois et Julie Guyot (dir.), précités, note 57, aux p. 87-88; Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, Boréal, Montréal, 2012.

72 Charles-Philippe Courtois, «Le républicanisme au Québec au début du XXe siècle: les cas de figure de Wilfrid Gascon, Olivar Asselin et Ève Circé-Côté», Bulletin d’histoire politique, vol. 17, n° 3 (2009), p. 93-119, aux p. 99-100.

73 Un auteur conservateur tel que Mignault insiste lourdement sur cette instabilité, qu’il associe à l’influence grandissante du socialisme: Pierre-Basile Mignault, précité, note 69, p. 350, 413.

74 Colin Coates, «French Canadian’s Ambivalence to the British Empire», p. 181-199 dans: Phillip Buckner (dir.), précité, note 66.

75 Arthur Silver, The French-Canadian Idea of Confederation 1864-1900, University of Toronto Press, Toronto, 1981, p. 224.

76 Sylvie Lacombe, précitée, note 61, p. 65-77.

77 Sur cette période, voir: Réal Bélanger, «L’élite politique canadienne-française et l’Empire britannique: trois reflets représentatifs des perceptions canadiennes-françaises (1890-1917)», p. 122-140 dans: Colin Coates (dir.), précité, note 68.

78 Jean-Louis Halpérin, «Adhémar Esmein et les ambitions de l’histoire du droit», Revue historique de droit français et étranger, vol. 75, n° 3 (1997), p. 415-433, évoque à propos de l’ensemble des travaux d’Esmein une «œuvre de conviction, sinon de combat».

79 Cette adjonction figure dans les ÉDC, p. 1161-1209.

80 Stéphane Pinon, «Regard critique sur les leçons d’un «maître» du droit constitutionnel», Revue du droit public, vol. 123, n° 1 (2007), p. 193-229, à la p. 200; l’emploi du mot «légiste» se fait plus insistant encore dans le titre de l’article de Guillaume Sacriste, «Adhémar Esmein en son époque. Un légiste au service de la République», p. 9-44 dans: Stéphane Pinon et Pierre-Henri Prélot (dir.), Le droit constitutionnel d’Adhémar Esmein, Montchrestien, Paris, 2004.

81 Guillaume Sacriste, précité, note 80, p. 27 et Guillaume Sacriste, La République des constitutionnalistes, Presses de Sciences po, Paris, 2011, p. 360.

82 Dominique Chagnollaud, avant-propos à la réimpression des ÉDC, précitée, note 4, 6e page.

83 Jean-Claude Colliard, «Portrait d’Adhémar Esmein», p. 3-8 dans: Stéphane Pinon et Pierre-Henri Prélot (dir.), précités, note 80, p. 6.

84 Jean-Louis Halpérin, précité, note 78, p. 416.

85 Guillaume Sacriste (2011), précité, note 81, p. 221.

86 Jean-Louis Halpérin, v° «Esmein», p. 311 dans: Patrick Arabeyre, Jean-Louis Halpérin et Jacques Krynen (dir.), Dictionnaire historique des juristes français, Presses universitaires de France, Paris, 2007.

87 Stéphane Pinon, précité, note 80, p. 196.

88 Guillaume Sacriste, «Droit, histoire et politique en 1900. Sur quelques implications politiques de la méthode du droit constitutionnel à la fin du XIXe siècle», Revue d’histoire des sciences humaines, vol. 4 (2001), p. 69-94, p. 87.

89 Armel LeDivellec, «Adhémar Esmein et les théories du gouvernement parlementaire», p. 149-182 dans: Stéphane Pinon et Pierre-Henri Prélot, précités, note 80, à p. 154.

90 Stéphane Pinon, précité, note 80, p. 203.

91 Adhémar Esmein, «La loi sur la séparation et l’encyclique «Gravissimo»», Revue politique et parlementaire, vol. 50, n° 1 (1906), p. 31-49, à la p. 49.

92 Frédéric Saulnier, «Opportunisme, positivisme et parlementarisme à l’anglaise au début de la IIIe République», Revue française d’histoire des idées politiques, n° 12 (2000), p. 308-325.

93 Yvan Lamonde, Allégeances et dépendances. L’histoire d’une ambivalence identitaire, Nota Bene, Québec, 2001, p. 148.

94 Sylvio Normand, «Les juristes et le libéralisme au tournant du XXe siècle», p. 213-229 dans: Yvan Lamonde (dir.), Combats libéraux au tournant du XXe siècle, Fides, Montréal, 1995; Fernande Roy, Progrès, harmonie, liberté: le libéralisme des milieux d’affaires francophones de Montréal au tournant du siècle, Boréal, Montréal, 1988.

95 Jean-Marie Fecteau, La liberté du pauvre. Sur la régulation du crime et de la pauvreté au XIXe siècle québécois, VLB, Montréal, 2004; Elsbeth Heaman, précitée, note 57, p. 161-162; Peter Smith, précité, note 57, p. 59-60; Ralph Heintzman, «The Political Culture of Quebec, 1840-1960», Revue canadienne de science politique, vol. 16, n° 1 (1983), p. 3-60.

96 Arthur Silver, précité, note 75, p. 226-227.

97 Philippe Sylvain, «Quelques aspects de l’antagonisme libéral-ultramontain au Canada français», Recherches sociographiques, vol. 8, n° 3 (1967), p. 275-297, aux p. 275-277.

98 Michel Allard, «L’enseignement de la Révolution française dans les écoles publiques du Québec (1861-1989)», p. 181-199 dans: Sylvain Simard (dir.), La Révolution française au Canada français, Presses de l’Université d’Ottawa, Ottawa, 1991.

99 Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées au Québec, Fides, Montréal, 2000, vol. 1, p. 458-459.

100 Guy Laperrière, ««Persécution et exil»: la venue au Québec des congrégations françaises, 1900-1914», Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 36, n° 3, p. 389-411; Guy Laperrière, «Les communautés religieuses françaises au Québec (1792-1914)», p. 307-325 dans: Yvan Lamonde et Didier Poton (dir.), La Capiricieuse (1855): poupe et proue. Les relations France-Québec (1760-1914), Presses de l’Université Laval, Québec, 2006.

101 Charles-Philippe Courtois, précité, note 72; Éric Leroux, «L’influence du radicalisme français au Québec au début du XXe siècle», Mens. Revue d’histoire intellectuelle de l’Amérique française, vol. 6, n° 2 (2006), p. 167-203.

102 1 Will. III and Mary II, 2nd Sess., c. 2.

103 12-13 Will. III, c. 2.

104 ÉDC, p. 86.

105 Renan LeMestre, «Faut-il réveiller le chien qui dort? La modernisation de la monarchie britannique: nouvelles règles de succession au trône et assouplissement du régime des mariages royaux», Revue de la recherche juridique, vol. 37 (2012), p. 413-442.

106 Royal Marriages Act 1772, 12 Geo. III, c. 11. Voir: T.B. Pugh et A. Samuels, «The Royal Marriages Act 1772; its Defects and the Case for Repeal», Statute Law Review, vol. 15, n° 1 (1994), p. 43-63.

107 Loi constitutionnelle de 1982, L.R.C. (1985), App. II, n° 44, art. 15. En dépit de leur incompatibilité avec le droit de chacun à l’égalité devant la loi, les règles de succession au trône et l’alignement de ces règles sur celles ayant cours au Royaume-Uni sont aussi des normes constitutionnelles, nécessaires au fonctionnement de l’institution monarchique: un tribunal ne peut donc les déclarer invalides: O’Donohue v. Canada, 2003 CanLII 41404 (ON SC), confirmé en appel: 2005 CanLII 6369 (ON CA).

108 L.C. 2013, c. 6.

109 2013, c. 20.

110 Loi constitutionnelle de 1982, précitée, note 107, art. 38-49.

111 Ibid., art. 41, 44 et 45 respectivement. Voir: André Binette, «La succession royale, la Constitution canadienne et la Constitution du Québec», Bulletin québécois de droit constitutionnel, n° 3 (2008), p. 1-22.

112 Renvoi: résolution pour modifier la Constitution, précité, note 39 et Re: opposition à une résolution pour modifier la Constitution, [1982] 2 R.C.S 793.

113 Trudel-Thibault c. R., 2012 QCCA 2212 (l’accusée ne bénéficie pas de l’irresponsabilité reconnue à la Couronne); Procureur-général du Québec c. Trudel-Thibault, 2013 QCCS 1323 (poursuite civile en recouvrement de sommes détournées).

114 Non plus d’ailleurs qu’à l’exercice du pouvoir législatif, puisqu’un processus d’initiative populaire, comportant un référendum législatif décisionnel, a été jugé incompatible avec le participation du représentant de la Couronne à l’acte législatif, élément intangible de la Constitution: Re Initiative and Referendum Act, [1919] A.C. 935 (P.C.), [1919] UKPC 60.

115 Il est vrai que par ailleurs Esmein affirmait que les vertus éminentes du gouvernement représentatif justifiaient que le constituant soit lui aussi une institution représentative, et non la collectivité nationale elle-même, statuant sous la forme d’un référendum: ÉDC, p. 402-404.

116 Hodge v. R., précité, note 19 et texte correspondant.

117 David Smith, The Invisible Crown: The First Principle of Canadian Government, University of Toronto Press, Toronto, 1995; Michael Jackson et Lynda Haverstock, «The Crown in the Provinces: Canada’s Compound Monarchy», p. 11-29 dans: Jennifer Smith et Michael Jackson (dir.), The Evolving Canadian Crown, McGill/Queen’s University Press. Montréal/Kingston, 2012.

118 On pourrait même considérer aujourd’hui, en inversant les termes de la description donnée par Bagehot en 1867, que c’est la Couronne qui est l’élément «efficient» de la constitution, et le Parlement qui en est l’élément «cérémoniel»: David Smith, «Bagehot, the Crown and the Canadian Constitution», Revue canadienne de science politique, vol. 28, n° 4 (1995), p. 619-635. Aux pouvoirs conférés à la Couronne par le droit légiféré et la prérogative royale s’ajoutent tous ceux dont elle peut faire usage en tant que personne juridique: Bruce Harris, «The «Third Source» of Authority for Government Action Revisited», Law Quarterly Review, vol. 123 (2007), p. 225-250.

119 Ainsi, chacun des États de la fédération australienne a adopté pour son propre compte les nouvelles règles de succession, et a demandé au Parlement fédéral d’en faire autant en ce qui le concerne; voir par ex. la loi de l’État de Nouvelles Galles du Sud: Succession to the Crown (Request) Act, 2013, n° 53 (en ligne: http://legislation.nsw.gov.au).

120 Voir: Sir George Ross, The Senate of Canada, Copp Clark, Toronto, 1914, p. 91-95; Jack Stilborn, «Quarante ans sans réforme du Sénat – le point», p. 35-72 dans: Serge Joyal (dir.), Protéger la démocratie canadienne: le Sénat en vérité…, McGill/Queen’s University Press, Montréal/Kingston, 2003.

121 Loi constitutionnelle de 1867, précitée, note 10, art. 21-29. Voir: Janet Ajzenstat, «Le bicaméralisme et les architectes du Canada: les origines du Sénat canadien», p. 3-34 dans: Serge Joyal, précité, note 120.

122 William H. P. Clement, précité, note 8, p. 111-112(1994); Jean-Charles Bonenfant, «La vocation manquée du Sénat canadien», Cahiers des Dix, vol. 37 (1972), p. 51-86.

123 David Smith, «The Senate of Canada and the Conundrum of Reform», p. 1-26 dans: Jennifer Smith (dir.), The Democratic Dilemma. Reforming the Canadian Senate, McGill/Queen’s University Press, Montréal/Kingston, 2009.

124 Renvoi: compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, [1980] 1 R.C.S. 54, p. 78.

125 Dispositions citées à la note 111.

126 Art. 44 et 42(1) b) et c).

127 Loi constitutionnelle de 1867, précitée, note 10, art. 91 (1).

128 Sebastian Spano, Résumé législatif. Projet de loi C-7, Loi concernant la sélection des sénateurs et modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 relativement à la limitation de la durée du mandat des sénateurs, n° 41-1-C7-F, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2011 (en ligne: www.parl.gc.ca/LegisInfo), p. 1-3, 5-6.

129 John Whyte, «Senate Reform: What does the Constitution Say?», p. 97-109 dans: Jennifer Smith, précité, note 123; Charles-Emmanuel Côté, «L’inconstitutionnalité du projet d’élections fédérales sénatoriales», Revue québécoise de droit constitutionnel, vol. 3 (2010); voir également les textes de divers auteurs dans la même revue, vol. 5 (2013).

130 Canada, Chambre des communes, Loi sur la réforme du Sénat (Loi concernant la sélection des sénateurs et modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 relativement à la limitation de la durée du mandat des sénateurs, Projet de loi C-7, 41e législature, 1e session, 2011 (en ligne: www.parl.gc.ca/LegisInfo).

131 Re Projet de loi fédéral relatif au Sénat, 2013 QCCA 1807.

132 Le décret de renvoi à la Cour suprême pour avis (décret C.P. 2013-0070, en ligne à: www.pco-bcp.gc.ca) énonce six questions, dont certaines à plusieurs volets, qui renvoient aux formulations variables des projets de loi présentés entre 2006 et 2011.

133 Julien Boudon, «Esmein, le droit constitutionnel et la Constitution», p. 87-110 dans: Stéphane Pinon et Pierre-Henri Prélot, précités, note 80, aux p. 103-104.




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